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Milène Guermont et la main qui caresse le béton [Portrait]

Milène Guermont et la main qui caresse le béton [Portrait]

24 January 2018 | PAR Vincent Fournout

A l’occasion du lancement du livre PHARES et de la soirée PHARESaonique (places à gagner), nous avons rencontré Milène Guermont ingénieure et artiste internationale. Portrait délicat en béton…

Crédit photo: Lena Sorokina
Milène Guermont devant MINIAGUA au Pavillon France, Astana 2017 – Crédit photo: Lena Sorokina

Milène Guermont débarque du Parc Monceau après son jogging du samedi. De loin on devine une trentenaire XS en jogging détrempé. De près, assise devant sa Badoit rondelle à la terrasse d’un café en plein hiver, c’est l’ancrage corporel et la posture bien droite que l’on remarque immédiatement : Milène Guermont c’est du solide. Ingénieure de formation, Milène est une artiste internationale qui jongle avec les fuseaux horaires tout en revendiquant sa naissance en Normandie… Et le souvenir des visites aux agriculteurs avec sa mère vétérinaire quand une vache vêlait.

Cette ambivalence entre les technologies et l’art, la fragilité et la robustesse, l’authenticité et le décorum, l’émotion et le pragmatisme nourrit sa personnalité… Et son travail. Milène est d’abord une bosseuse. Math Sup, Math Spé, ENSIACET, Brown University, Mine de Nancy puis l’ENSAD (Les Arts Décoratifs), de multiples prix gagnés à l’international et trois brevets déposés. Là encore l’ambivalence. Derrière le curriculum bien armé de la bête à concours, sa destinée artistique s’impose à elle dans ses 20 ans par une simple caresse sur un mur. L’émotion synesthésique qui l’empoigne alors la projette sur un bord de mer imaginaire.

La frontière invisible

Cette recherche sur la frontière entre une main qui caresse et un ressenti immatériel passera d’abord par un travail unique sur une matière compacte et souvent perçue comme grossière : le béton. Ce béton qui recouvre nos cités, elle le métamorphose à force d’innovations technologiques et de prouesses avec son équipe de partenaires industriels comme les Bétons Vicat qui la soutiennent fidèlement depuis des années, voyant en elle une porte-voix inspirée de savoir-faire peu connus voire méprisés. Dès 2007 avec BARREL une barrique de béton à effleurer et à faire chanter sous les doigts…

Jusqu’à MINIAGUA étonnamment sensuelle présentée au Pavillon France de l’Exposition Internationale d’Astana 2017…

https://www.youtube.com/watch?v=r0py5Gu0kiQ

…En passant par CAUSSE où Milène s’attaque au genre du monument funéraire avec hardiesse pour un commanditaire privé sur une concession perpétuelle au cimetière du Montparnasse. Pour répondre au souhait de cet éminent scientifique, elle crée une sculpture aux multiples facettes comme les plateaux des Causses, douze exactement comme les douze niveaux de la cellule démultiplicateur d’électrons inventé par le commanditaire. Comme ces derniers, les facettes de CAUSSE sont traversées de lumière, ici des fibres optiques injectées au cœur du béton. Vernissage un 1er novembre

Mais Milène n’est pas que Miss Béton

Elle fait partie de ces très rares artistes qui peuvent se poser en medium global de technologies complexes pour les mettre au service de l’art et de l’émotion collective comme avec l’installation PHARES une oeuvre monumentale de métal et de lumière. Ce « phare de phares », installé pendant 6 mois sur la place de la Concorde auprès du plus ancien monument de Paris (l’obélisque de Louxor commandité initialement par Ramses II), interagit avec le public et scintille au rythme des battements des cœurs des passants. D’ailleurs, après les attentats de 2016, l’œuvre est éteinte pendant quelques jours puis rallumée pour dialoguer visuellement avec l’obélisque, la Tour Montparnasse… et la Tour Eiffel afin de symboliquement refaire battre le cœur… de Paris cette fois. Cette œuvre (dont le parcours de création a fait l’objet d’un beau livre), va prochainement voyager et se déployer à l’international dans un dispositif ambitieux, intercontinental, toujours plus innovant et encore strictement secret !

A la croisée de l’intime et de l’histoire des peuples

Là se loge aussi l’ambivalence de Milène et plus généralement de ces artistes technologiques maniant des dispositifs complexes. Si elle aime parler des centaines d’hommes nécessaires à la fabrication de l’œuvre, des tonnes de matériaux mis en œuvre, des kilogrammes de démarches administratives et des nécessaires circonvolutions sociales dont elle sait faire preuve, c’est en évoquant l’émotion des spectateurs que l’on ressentira sa propre émotion émerger. Et on retournera alors sur ses terres natales avec l’œuvre INSTANTS. Posée sur la plage d’Utah Beach en mémoire aux soldats américains, cette installation inscrit dans le béton l’empreinte des mains des derniers vétérans. Une émotion à la croisée de l’intime et de l’histoire qui traverse l’œuvre exposée aux vents de la Manche natale de Milène.

INSTANTS
INSTANTS dans la brèche n°00 d’Utah Beach

 

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Vincent Fournout
Digital native depuis 1970, passionné de danse contemporaine et de danses tout court.

2 thoughts on “Milène Guermont et la main qui caresse le béton [Portrait]”

Commentaire(s)

  • F. GOUBLET

    Bel article !

    January 24, 2018 at 14 h 09 min
  • etrillard yito

    C’est un travail très émouvant et magnifique

    February 3, 2018 at 18 h 14 min

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