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Bruxelles Art Nouveau : Balade dans les arabesques de la capitale européenne

Bruxelles Art Nouveau : Balade dans les arabesques de la capitale européenne

13 September 2013 | PAR Yaël Hirsch

A l’occasion de l’Ouverture de l’exposition “Van de Velde” au Musée du Cinquantenaire et alors que la Biennale d’Art Nouveau et Art déco, qui permet au public d’entrer dans des maisons d’architectes mais privées, ouvre le premier week-end d’octobre, l’Office du Tourisme de Wallonie Bruxelles, l’association flandre et l’association “Voir et dire Bruxelles” ont invité Toute La Culture à deux belles journées de balade dans les trésors conservés d’Art Nouveau de la capitale belge…

Alors que les week-ends d’octobre, la Biennale d’Art Nouveau et Art déco ouvrira les portes des plus somptueuses maisons de la ville à un grand public qui répond de plus en plus nombreux à cet appel à découvrir un patrimoine national entretenu par des familles privées (ils étaient 30 000 à participer à l’opération, il y a deux ans), Toute La Culture a pu voir des maisons construites par les 3 grands architectes de l’Art Nouveau : Victor Horta, Paul Hankar et Henry Van de Velde, à l’honneur avec la grande rétrospective que lui dédie depuis le 13 septembre le Musée du Cinquantenaire.

Accueillis à la sortie du Thalys par un déjeuner très joyeux dans le restaurant du musée Bozar qui vient d’être élu « meilleure brasserie de la ville », c’est les papilles en fête que nous avons parcouru les rues des alentours de la célèbre rue Louise, guidés avec efficacité et plurilinguisme ( notre petit groupe de presse constituait une sympathique Babel de flamand, français, allemand, espagnol, italien et anglais) par des membres de la dynamique association « Voir et dire Bruxelles ». C’est sous une pluie de saison et en quête d’art nouveau que nous avons pu entrer dans deux des quatre maisons entièrement pensées par Victor Horta au tournant du 20ème siècle.

Nous avons d’abord vu l’hôtel Tassel, situé 6, rue Paul-Émile Janson et construit entre 1892 et 1893 par Victor Horta pour un de ses collègues de l’Université Libre de Bruxelles, Emile Tassel. Bouleversant les plans des maisons bourgeoises, Horta a organisé par la maison un puits de lumière central qui permet d’éviter que les pièces du « bel étage » de réception ne soient, au centre, trop sombres. Du hall d’entrée octogonal avec sa mosaïque en marbre de Carrare au jardin d’hiver délicieusement éclairé de lustres à tomber, en passant par la végétale et somptueuse cage d’escalier, nous sommes évidemment tombés amoureux de l’endroit, et compris ce que voulait dire « art total » pour un architecte et designer comme Horta qui a pensé les moindres détails. A noter : aujourd’hui entretenu et habité par une association européenne spécialisée sur l’information de la nutrition : eufic.

Passant devant une autre façade Art Nouveau façonnée à la manière de Horta, avec une fresque en parpaing, nous avons ensuite cheminé vers la rue Louise même, au numéro 224, où l’hôtel  Solvay nous a ouvert ses portes cochères. De façade sobre et majestueuse et donnant sur un jardin géométrique, la maison pour laquelle la riche famille industrielle avait donné carte blanche à Horta pour 8 ans de travaux (1895-1903) est très impressionnante. Piliers en métal, escalier en bois précieux et massif, fauteuils en cuir volumineux, fresque de Théo van Rysselberghe et à l’étage enfilades de pièces très éclairées, de la bibliothèque au salon de musique, la maison est immense et chaque détail est pensé par Horta. Elle est occupée depuis les années 1950 par les ateliers Wittamer et l’on peut rarement la visiter. L’hôtel Solvay ouvre ses portes pendant la biennale, moyennant un supplément au forfait de la visite.

Puis nous avons quitté le centre de la ville pour nous réfugier dans les allées vertes d’Uccle où, avant de partir pour l’Allemagne, Henry Van de Velde s’était construit un petit paradis bucolique inspiré d’un cottage anglais. Aujourd’hui habité par une famille qui y vit simplement, la villa Bloemenwerf est d’une simplicité lumineuse avec son puits de lumière central et y entrer permet d’imaginer, quand on regarde la cheminée ou les vitrines de l’étage, combien chaque détail a dû, à nouveau, être pensé par l’architecte.

La soirée du premier jour de ce joli voyage au pays de l’art nouveau s’est terminée par un dîner joyeux, place Royale (eh oui !) au restaurant du Palais des Beaux-Arts réservé pour notre petit groupe très européen.

Le lendemain matin, c’est entre deux gouttes de pluie que nous avons pu entrer dans le majestueux parc du Cinquantenaire et voir, en avant-première l’exposition « Henry Van de Velde », qui a débuté à Weimar, mais a été reprise et richement aménagée avec une perspective belge dans l’espace immense et à vocation historique du Musée du Cinquantenaire. Le directeur du musée et le commissaire de l’exposition nous ont accueillis en anglais avec des mots éclairants sur la trajectoire de Van de Velde, passé par l’Allemagne pour faire carrière mais revenu en poste universitaire à Gand avec tous les honneurs, et fondateur en Belgique d’un « Bauhaus » qui fonctionne aujourd’hui encore avec prestige : l’école de la Cambre. Ils ont aussi insisté sur la manière dont l’Art nouveau est un art total où des architectes comme Van de Velde se font aussi concepteurs, designer et amateurs d’artisanat pour mener jusqu’au bout une activité de bâtisseur qu’ils considèrent comme le sommet de l’implication sociale de l’artiste. Nous avons dédié un article à part à cette exposition qui compte parmi les événements culturels européens phares de cet automne.

Enfin, après un déjeuner très local dans le décor complètement art nouveau du restaurant « Les Brigittines » (5, place de la Chappelle) dont les arabesques rappellent un peu notre Maxim’s parisien, l’après-midi a été l’occasion de se renseigner sur le « musée Fin de siècle », projet initialement prévu pour le mois de décembre 2013 (il aura probablement un peu de retard pour son ouverture) et très important pour Bruxelles. Partant de la philosophie de l’art nouveau qui faisait appel aux divers arts et artisanats, cette nouvelle institution mettra l’art depuis 1868 en Belgique dans son contexte historique, faisant appel aux collections des musées royaux, de la bibliothèque royale, de la région Bruxelles et de la Monnaie. Il devrait ouvrir en lieu et place de l’ancien musée d’art moderne, Place royale.

La conférence de presse qui présentait ce beau projet de musée fin de siècle a eu lieu dans un autre temple de l’Art Nouveau : le prestigieux Hôtel Ciamberlani, 48 rue Defacqz, dessiné par le troisième élément du triumvirat de l’art nouveau bruxellois : Paul Hankar. Avec une façade jouant la symétrie et l’asymétrie, aux coloris et aux fresques « rouille » des inspirations japonisantes et un linteau représentant les douze travaux d’Hercule, l’Hôtel Ciamberlani n’est que lumière derrière les grandes vitres coquillages du premier étage. Nous sommes restés au rez-de-chaussée pour la conférence sous un lustre magnifique et prêts à voyager vers l’orée du siècle dernier.

Le voyage s’est terminé sur ce bel Hôtel Ciamberlani avec le désir de revenir, soit pour voir d’autres réalisation de Horta et Van de Velde, soit pour chiner aussi dans le patrimoine art déco de la ville. Que des privés ouvrent leurs maisons si précieuses au public est vraiment une spécificité bruxelloise dont nous comptons bien profiter lors de la biennale si nous sommes de passage en Belgique le mois prochain.

Photos : Yaël Hirsch, droits offerts âr Dire et Voir Bruxelles, dans le cadre de la promotion de la biennale.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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