Arts
Les chantiers de Bertrand Lavier depuis 69 s’exposent au Centre Pompidou

Les chantiers de Bertrand Lavier depuis 69 s’exposent au Centre Pompidou

25 September 2012 | PAR Bérénice Clerc

Depuis 1969, Bertrand Lavier pratique la greffe et offre aux objets de nouvelles identités et un sens transcendé et transcendant. Le Centre Pompidou donne à voir les meilleures œuvres de chaque période avec liberté et sans linéarité chronologique pour le bonheur des visiteurs dès le 26 septembre 2012 et jusqu’au 7 janvier 2013.

Dans un bloc de pierre il y a toutes les sculptures, dans un objet, il y a une multitude de possibles et la rencontre, la greffe de deux objets,  agrandit le domaine des possibles et un plus un égale trois dans l’œuvre de Bertrand Lavier. 50 œuvres sont exposées à Beaubourg pour cette rétrospective, de 69 à 2012 l’artiste parcours ses divers chantiers toujours ouverts et offre un arrêt sur image de ses vastes périodes de travail.

Peintures industrielles, objet peints, socles ou superposés, tout y est. Des mondes jusqu’alors séparés se croisent l’espace d’une sculpture.

Deux objets sans lien apparent deviennent un troisième objet avec une identité singulière et parfois plus forte que les deux séparés. Bertrand Lavier fait trembler le genre, déstabilise les catégories et d’un larsen visuel crée une nouvelle note jusqu’ici inexplorée.

Il ne représente ni ne présente le réel et ses objet, il les combine, les mélange, leur dessine de nouveaux contours aux reliefs impalpables ou même insaisissables.

Avec légèreté, le visiteur est en apesanteur, il invente la poétique histoire des objets, tisse l’espace de ses pas et via des ouvertures originales de certains murs multiplie les vues et les perspectives.

6 zones de turbulences composent la partition de l’exposition. L’entrée, zone un, commence très fort, une première œuvre d’alu et de gel mêlés plonge le visiteur en terre artistique et onirique.

“Steinway & Sons” explore une autre forme d’hybridation entre peinture et sculpture et peint la nature sur place dans ses moindres détails. Peindre et représenter un piano en peignant sur un piano. Grosses traces de peinture, reliefs et matières attirantes. L’objet est-il une œuvre d’art ou une peinture figurative ? Lavier laisse avec humour le visiteur jouer l’interprète.

En zone deux “Polished” de 1976 , bois, ficelles, peintures et textes s’amusent du réel et des accidents lors de la réalisation d’un projet.
Tout se ressemble malgré les dissemblances

Un texte, dans sa version originale rédigé en français par Lavier, est un protocole pour la fabrication d’un premier objet. Puis le texte est traduit dans une autre langue et permet la réalisation d’un deuxième objet, ensuite la traduction est elle-même traduite dans une troisième langue et donne lieu à un troisième objet…
Les réalisations rendent ainsi manifestes les erreurs de traduction et leurs amplifications, au fil des textes, loin d’être fustigées, sont au contraire valorisées comme génératrices d’œuvres d’art. Elles montrent qu’en passant de langue en langue, le concept se charge d’une histoire faite de péripéties porteuses de création.

Zone trois “Giulietta“, Automobile accidentée sur socle met en lumière la tragédie de l’objet. Bertrand Lavier achète dans une casse une voiture totalement détruite après s’être assurée que l’accident n’avait pas été mortel. L’artiste n’a rien modifié, l’objet est parfait, sa ligne, ses reliefs, son vécu font voyager au pays de l’imaginaire plus ou moins personnel. Charge émotionnelle, amorce de narration, la voiture s’anime de réel, se couvre de beauté et devient œuvre d’art.

Zone quatre Bertrand Lavier questionne avec humour et réalisme l’idée même du musée ethnographique. Les objets contemplés comme des merveilles dans ces musées le sont-ils uniquement parce qu’ils nous sont parvenus ? Ont-ils un intérêt propre ou leur banalité est-elle faussement érigée en rareté ? Les objets rituels du Mali méritent-ils d’être détournés de leur fonction pour devenir décoratif chez un collectionneur ? Avec humour et ironie il se demande quels objets les archéologues du futur installeront pour représenter le quotidien du vingtième siècle !

Zone cinq il interroge la photo sans photo, le relief, l’espace, l’image et la passion du détail.

L’idée de décoration et la transformation de l’objet initial font-elles de l’image une réalité première ?

Picasso estil un peintre ou une voiture ? Jusqu’à la zone six et son évocation de Walt Disney production, le réel, la société, l’art et le monde se confrontent, se mélangent pour donner naissance à l’art.

Parcours d’un artiste du siècle, rétrospective sans autocélébration, Bertrand Lavier fait de cette exposition un objet unique composé de multiples objets créateurs d’objets, inventeurs de réel, décodeurs de société.

Paris dictionnaire du nom des rues de Jean-Marie Cassagne
Paris sur le pouce de Janine Trotereau
Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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