Arts
Au Kumu Museum de Tallinn, la peinture se fait musique

Au Kumu Museum de Tallinn, la peinture se fait musique

28 August 2017 | PAR Alexis Duval

Jusqu’au 26 août, le musée d’art de la capitale balte accueillait une exposition étonnante sur les liens entre musique et peinture au tournant du XXe siècle en Estonie. Une approche transversale fascinante.

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A bien des égards, le Kumu Museum de Tallinn est un musée fascinant. Ne serait-ce que pour le site, l’endroit mérite qu’on fasse un petit passage dans la capitale estonienne. Conçu par l’architecte finlandais Pekka Vapaavuori, le musée, qui a ouvert ses portes en 2006 après trois ans de travaux, allie l’élégance d’un bâtiment en verre et en bois à la fraîcheur végétale d’un parc.   L’immense rampe que le visiteur emprunte pour accéder au premier étage n’est pas sans rappeler le Kiasma à Helsinki, fleuron de l’art contemporain en Europe du Nord.

Jusqu’au 26 août, le musée accueillait une exposition pour le moins ambitieuse sur les liens entre peinture et musique chez les modernes en Estonie. « Värvide Dirigendid » (« les chefs d’orchestre de la couleur »), du nom de ce parcours fort inspiré, reprend l’expression employée par un critique d’art, Arthur Behrsing. « Il mélange les couleurs polyphoniques de l’excès et en fait un tout harmonieux avec la simplicité d’un coup de baguette », écrivait-il à propos du style de son compatriote, Konrad Mägi, dans le journal estonien en langue allemande Revalsche Zeitung – Reval était l’ancien nom de Tallinn.

Eduard Ole, Konstantin Süvalo, Julius Klever, Felix Randel… Autant d’artistes célébrés dans leur pays, mais dont dont le rayonnement n’a pour ainsi dire pas dépassé les frontières baltiques et nordiques. Eduard Wiiralt est peut-être le seul à avoir acquis une notoriété à l’étranger, du fait notamment qu’il a réalisé une grande partie de sa production artistique à Paris. Qu’importe : l’intérêt de l’exposition, patiemment pensée par le commissaire américain Bart C. Pushaw, réside dans le fait qu’elle propose une plongée exceptionnelle dans la riche production picturale estonienne du tournant du XXe siècle et qu’elle le fait par le biais d’une approche pluridisciplinaire.

Mise en relief de la notion de silence

Avec des extraits d’œuvres de l’époque en fond sonore, notamment des compositions de Heino Eller, de Camille Saint-Saens et de Jean Sibelius, « Värvide Dirigendid » sollicite les yeux et les oreilles du visiteur. Même si l’expérience  se révèle par endroits un brin cacophonique du fait de la juxtaposition de plusieurs musiques, l’exposition a le bon goût d’aller loin et prend par moments des allures de promenade esthétique.

Autre grand atout de l’exposition : la mise en relief de la thématique du silence. Très présente dans la culture nordique et baltique (Ibsen et Strindberg au théâtre, Bergman et Kaurismaki au cinéma, Sibelius et Grieg en musique), la notion se révèle fondamentale pour comprendre l’essence et le sens de « Värvide Dirigendid ». Elle est en effet indissociable du son : sans silence, on ne saurait apprécier la musique. Rassemblés au Kumu Museum, plusieurs paysages de forêt symbolisent l’harmonie et inspirent une grande quiétude. Ainsi Clairière de bouleaux près de la rive (1902) ou Paysages avec rivière (1906) de Paul Gerhard Rosen.

Mais la nature ne saurait être que silence : c’est ce que nous prouve Konrad Mägi, notamment avec deux de ses toiles, Paysage norvégien et pin (1908-1910) et Paysages et nuage rouge (1913-1914). L’orange crépusculaire et les distorsions végétales confèrent à ses deux toiles des propriétés musicales évocatrices. Est-ce la mise en images par Walt Disney ou    simplement la contemporanéité qui fait qu’on pense au Sacre du printemps de Stravinsky lorsqu’on contemple ses deux oeuvres ? On ne saurait dire. Ce qui est certain, c’est que l’exposition offre au visiteur une excursion immersion des plus rafraîchissantes.

Kumu Museum de Tallinn (Estonie).

Photos : Alexis Duval

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Alexis Duval

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