Architecture

Georges Rousse : une question de point de vue

23 August 2010 | PAR Marie Lesbats

En cette fin d’été, et si le cœur vous en dit, et surtout si vous arpentez les routes auvergnates à la recherche de nature ou de culture, faites un crochet par le MARQ, musée des beaux-arts de Clermont-Ferrand, à la rencontre d’un artiste magistral, Georges Rousse.

« Illusionniste » – Cet artiste inclassable place le spectateur face à une perception propre, la sienne. Son art réside dans la mise en scène méthodique d’univers définis – vieux entrepôts, espaces désaffectés, lieux abandonnés – leur donne une « seconde âme » et crée des architectures impossibles, où se mêlent peinture, sculpture et photographie. Il casse, reconstruit, trace, découpe, mesure, déplace. Après de nombreux dessins préparatoires, de savants calculs et d’incomparables procédés techniques, l’oeuvre se révèle enfin, prenant l’aspect d’un écrit, d’un plan ou d’une forme géométrique bariolée… Seulement, il faut être bien placé. Dans cet axe unique qui permet le plein entendement de la création. Et c’est naturellement cette question du point de vue qui fait intervenir la prise de vue.

« Photographe » – Georges Rousse supplante le caractère éphémère de son art en ayant recours à l’outil photographique. Car ses volumineuses anamorphoses, si elles sacralisent un temps les lieux désertés, n’en sont pas moins des œuvres périssables. Le cliché sera donc « empreinte ». Cette virtualité photographique devient l’œuvre témoin de la réalité picturale et sculpturale. L’utilisation fragmentée des couleurs primaires et la démultiplication des surfaces qui se succèdent se trouvent alors réunies dans l’œuvre finale, ciselée par une lumière  étudiée. La source d’éclairage, son entreprise dans le modelage des formes et la finalité de la prise de vue et du lieu participent à la transformation de l’espace réel. Pour Rousse, l’action picturale se déroule dans un espace qui est la photographie.

« Artiste total » – Il perçoit avant tout son art comme une « manière de conjurer toute nostalgie et tout désespoir, d’éliminer le présent en tant que ruine et de réordonner le monde visible en un espace inédit et imprévu ». En reprenant les théories sur la perspective du Quattrocento, qui prouve que la peinture peut se substituer à l’architecture et en exercer les mêmes effets scéniques, Rousse traverse les siècles. Son art abolit les frontières qui perdurent parfois entre peinture, sculpture, architecture et photographie. Ses créations semblent directement parentes des  théories baroques qui visaient un « art total » où putti de stuc doré et marbres peints s’entremêlaient pour « en-majester » les autels trompe-l’œil du XVIIIème siècle.

Mais il ne faut pas faire de confusion. Georges Rousse a su garder discrétion et humilité, ces qualités rarement fréquentes chez les grands artistes contemporains. Si le résultat est « noble », il ne faut pas omettre les conditions d’isolement et de relative vétusté des lieux que l’artiste investit. Ses sources d’inspiration en témoignent également ; attiré par les recherches du Land Art et les théories de Malévitch, Rousse tend davantage à l’ascétisme et à l’économie de moyens. Parmi ses travaux réalisés à Clermont-Ferrand, il faut compter l’ancienne Halle aux Blés, les caves de la galerie Claire Gastaud, l’appartement de la FRAC Auvergne avant réhabilitation, ou encore l’ancien hôpital Sabourain. Des lieux magnifiés, “habités” pour quelques temps encore par les subtiles apparitions colorées de Georges Rousse…

Adepte des ateliers éphémères et des lieux déshumanisés, l’artiste propose donc au visiteur un spectacle pictural très personnel, immortalisé sur les cimaises muséales et quasi-immortel puisque gravé dans la pellicule. L’intérêt de cet art demeure bien dans le processus nécessaire à l’accomplissement de l’œuvre. Cependant il ne faut pas taire la transparence du message de Rousse : la valeur partielle et fugitive des choses . Car au fond, dans ce monde, les choses ne semblent pas toujours ce qu’elles semblent être. Et même si votre regard suit les lignes, Georges Rousse vous montrera que ceci n’est qu’une question de point de vue…

Images :
– Coblence, 1993
– Galerie Claire Gastaud, Clermont-Ferrand, 2008
– MARQ, Clermont-Ferrand, 2010

Site de Georges Rousse

“ARCHITECTURES – Georges Rousse” : jusqu’au 5 septembre
Exposition au Musée d’Art Roger Quillot

Quartier historique de Montferrand, Place Louis-Deteix 63100 Clermont-Ferrand
Tél. 04 73 16 11 30

Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 18h en continu, fermé entre 12h et 13h samedi et dimanche.
Tarif normal : 5€ Tarif réduit : 3€

Puis à Paris :
– du 9 novembre 2010 – 7 janvier 2011 : Galerie Catherine Putman, Paris
– du 12 novembre 2010 – 8 janvier 2011 : Galerie RX, Paris

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Marie Lesbats

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