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Sacha Ghozlan : “Aujourd’hui la législation française n’est pas suffisante”

Sacha Ghozlan : “Aujourd’hui la législation française n’est pas suffisante”

26 March 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

SOS-Racisme, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), L’Union des étudiants juifs de France (UEJF), J’accuse ! et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) font front commun pour faire bouger les lignes du gouvernement au sujet des contenus racistes et antisémites sur internet. Sacha Ghozlan, président de l’UEJF a accepté de répondre à nos questions.

Pourquoi vous ressentez le besoin de proposer une nouvelle contre l’antisémitisme et le racisme ?

Depuis 20 ans, on mène ce combat contre des antisémites notoires tels que Dieudonné, Alain Soral, mais aussi des plates-formes, qui laissent la haine se banaliser. Aujourd’hui la législation française n’est pas suffisante et on arrive pas à changer les usages, et à comprendre ces personnes-là, qui profitent des réseaux sociaux pour bénéficier d’une certaine forme d’impunité. C’est pour cette raison que nous avons formulé une quinzaine de propositions pour changer la loi et ses usages.

Vous dites « nous » , « nous » c’est qui ?

UEJF, SOS Racisme, la Licra, le MRAP et J’accuse.

Comment ce mouvement est-il né ?

Il est né du fruit de beaucoup de procédures, réussies pour certaines, ratées pour d’autres. Mais surtout du constat, que nous n’y arrivons plus. Cela fait 20 ans que les avocats et organisations mènent ce combat.  A force de représenter les intérêts des victimes, on ne peut plus rester dans cette situation. Ce sont nos avocats qui ont suggérer ces modifications. Ils ont ressenti le besoin de proposer quelque chose. C’est aussi un moment où la pression se resserre autour des plateformes. On avait fait il y a 2 ans avec UEJF, Sos Racisme, Sos Homophobie, des Assises de la Lutte Contre la Haine sur Internet, il y avait déjà à ce moment, ces modifications en vue.

Quels sont les grands axes de cette loi ?

La première proposition, c’est que les plateformes (Facebook, Twitter, Dailymotion,Youtube, Snapchat, Instagram) qui ont un statut d’hébergeurs, changent de statut, pour quelles aient une responsabilité accrue. Actuellement, elles ne sont pas responsables du contenu publié. L’idée est de renverser le principe de responsabilité, les plateformes ne sont pas juste des tuyaux de transmission. En Allemagne sous 24h, les plateformes doivent supprimer du contenu manifestement illicite, en France , il y a un “délai raisonnable”, cela peut mettre 15 jours, c’est un délai qui ne correspond pas aux réseaux sociaux.

Dans nos propositions, qui n’ont pas encore été adoptées par le gouvernement, il y a celle d’imposer aux plateformes de mettre à disposition chaque année les moyens de lutter contre les contenus haineux. Informer les internautes sur comment le signalement des utilisateurs est traité et par qui. Comment ces gens là sont formés, est-ce qu’ils connaissent bien la législation française, la langue, sont-ils aidés par des machines ? Quand on sait qu’il y a des entreprises du CAC 40 qui doivent informer les citoyens sur la façon dont elles protègent l’environnement, les luttes contre les discriminations et que les plateformes, elles n’ont aucune obligation, ça pose question.

Vous êtes président de l’UEJF, est-ce classique qu’un mouvement étudiant propose une loi ?

Ce n’est pas classique, on s’aventure sur un terrain nouveau parce qu’on veut changer les choses. On vient signifier au gouvernement qu’on a de l’expérience sur le sujet, qu’il y a des moyens de changer les choses, et que ces moyens là, ils peuvent les adopter. Et ne pas attendre que cela vienne de l’union européenne. La France est un territoire avec des valeurs, c’est notre rôle en tant qu’organisation de la société civile qui défend les victimes, d’arrêter que ces valeurs soient bafouées. On demande au gouvernement d’agir. On va devoir aller chercher les parlementaires, les sensibiliser au sujet, ça va être un travail difficile mais excitant.

Emmanuel Macron a déclaré vouloir créer une action gouvernementale directe de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Il a nommé une mission, composée de trois personnes, Gil Taïeb, Karim Amellal, Laetitia Avia. Cette mission a une durée limitée, jusqu’à l’été. J’espère que ce ne sera pas une énième commission inutile qui a vocation à repousser des textes de lois compliqués. Nous on a des propositions qui sont prêtes, et on les met à disposition du gouvernement, certaines ont été retenues dans le plan contre le racisme et l’antisémitisme présenté par le premier ministre la semaine dernière, d’autres pas. On va continuer à faire du lobbying et à sensibiliser les parlementaires et le gouvernement parce que c’est important de changer les choses rapidement.

Visuel : ©Basile Meyer Barjon

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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