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Quoi de neuf dans le programme culturel du FN?

Quoi de neuf dans le programme culturel du FN?

18 April 2017 | PAR Quitterie Puel

« La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert » déclarait André Malraux en 1959 alors qu’il rendait hommage à la Grèce. Le rapport que le Front National entretient avec la culture, notamment au niveau de la notion « d’héritage français » démontre que le parti s’oppose totalement à la conception de Malraux. Dans son programme, Marine Le Pen fait de la culture une notion identitaire à proprement parler. Pour la politicienne, la France a, dans le passé, été dotée d’une culture riche, fascinante et glorieuse qu’il s’agit aujourd’hui de remettre à l’honneur, d’aimer et de diffuser. Mais alors, si la culture s’hérite, faut-il cesser de partir à sa conquête? C’est bien le problème avec le FN dont le rapport à la culture semble être plus fondé sur la réhabilitation d’un passé glorieux que sur la construction d’un futur prometteur. Explications.

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Marine Le Pen veut se donner toutes les chances pour gagner les élections présidentielles de mai 2017. Or, pour que son parti monte au sommet, elle doit faire face à l’héritage familial de son père et donc au passé de son parti. En terme de culture Jean Marie Le Pen ne s’est jamais caché. Alors que dans les années 90 il exprimait son amour du folklore et son désir « d’épuration » concernant certains titres de presse, il se déclarait en 2014 très hostile à l’art contemporain en général. Pour l’homme politique, ainsi que pour un bon nombre de représentants du parti, l’art contemporain est un domaine qui n’a ni valeur ni avenir. En décembre 2013 le conseiller municipal de Reims déclarait à propos de ces « pseudo œuvres d’art » que personne n’en voudrait dans son jardin et que seuls « les bobos de la gauche caviar ou plus simplement les snobs s’extasient pour faire moderne ». Au cas où on aurait mal compris, Marion Maréchal Le Pen déclarait à son tour, le 6 septembre 2015 que, si elle venait à être élue, elle cesserait de subventionner les structures dédiées à l’art contemporain.

Sa conception d’une politique culturelle digne de ce nom s’éloigne de celle « des dix bobos qui font semblant de s’émerveiller devant deux points rouges sur une toile ». Au moins le ton était donné et les membres du parti avaient le mérite d’être limpides sur qui allait, ou non, être mis à l’honneur dans la politique culturelle du FN. Le problème c’est qu’aujourd’hui Jean Marie Le Pen a quitté la politique et Marion Maréchal ne dirige pas la région PACA. Il reste Marine, dirigeante du parti, qui semble bien avoir compris que si le FN souhaite accéder au pouvoir il faut qu’il se modernise. Son point fort sur la question culturelle se nomme Sébastien Chenu. Cet ancien du cabinet de Christine Lagarde à Bercy est le fondateur de Gaylib, une association française placée à droite qui milite pour le droit des homosexuels. Marine Le Pen l’a engagé afin qu’il amène des propositions modernes et innovantes en terme de culture et qui s’éloigneraient de celles du paternel… C’est donc avec l’aide de son collectif, le CLIC (Culture et Libertés) que Sébastien Chenu et son équipe préparent une sorte de « boîte à propositions » dans laquelle Marine Le Pen pioche pour bâtir son programme. Pour autant, on est bien loin du think tank innovant. En définitive, l’arrivée d’un homme jeune et dynamique rime-t-elle avec programme nouveau pour un parti trop souvent qualifié de conservateur?
Jetons un œil au programme.

Parmi les propositions émises par le collectif, Marine Le Pen en a choisi certaines qui font désormais partie de son programme politique. En terme de nouveauté et de modernisation, il faut noter l’importance mise sur la diffusion du numérique et sur la liberté sur Internet. Dans un tout autre registre, le FN plaide pour une refonte en profondeur du statut des intermittents du spectacle ainsi que pour le développement du mécénat populaire (pour ne pas dire “crowfounding“, attention pas d’abus de modernité tout de même ! ) A travers certaines de ces propositions, le FN marque des points auprès de certains catégories de la population parce qu’il a le mérite de cibler des classes d’individus bien précises et de proposer des réformes claires et paraissant particulièrement réalisables. Or, si l’on replace toutes ces propositions dans la perspective du programme du FN, il faut bien avouer que l’image générale qui est en ressort est celle d’une culture française conçue comme un héritage qu’il s’agit de perpétuer plutôt que de renouveler. En effet, on trouve aussi dans le programme du FN , le drapeau français, qui doit être replacé en haut de tous les bâtiments publics, le rétablissement du port de l’uniforme à l’école ou encore le renforcement des apprentissages fondamentaux à travers l’augmentation du temps d’enseignement du français et la suppression des « Langues et cultures d’origine ».

Dans un discours prononcé le 9 novembre 2016 dont le thème était « la France, civilisation mondiale du XXIème siècle », Marine Le Pen s’intéressait au sort de la culture française. La structure même de son discours dévoile une conception de celle-ci qui demeure la même depuis la création du parti politique. La première partie du discours consiste à faire l’éloge du passé, lorsque la culture française était glorieuse : «  il fut un temps où Jacques Cartier ouvrait le fleuve Saint Laurent à l’Ancien Monde, où les Français exploraient les quatre coins du Mississippi … ». Une fois la mélancolie passéiste bien installée dans l’esprit des spectateurs, la deuxième étape consiste à dénoncer les politiques actuelles qui bafouent cette histoire nationale : «  le roman national est, entre leur main, devenu un cauchemar. Les censeurs de la grandeur sont en train de créer des névroses immenses … » .

Après la dénonciation viennent les solutions (4 au total dont la refonte de la loi Toubon) qui se fondent sur le postulat de la renaissance française. La France peut « renaître de quelque part (…) redevenir plus belle, plus audacieuse, plus exploratrice ». En bref, le Front National n’est pas un parti anti moderne en matière de culture dans la mesure où sur certains points, il donne un vernis moderne à son programme mais ces modifications n’entraînent pas de changement au niveau de la structure qui demeure la même depuis sa création. Cette structure se fonde sur la reconstruction d’un héritage français bafoué. Pour Marine Le Pen, au contraire de Malraux, la culture ne se conquiert pas, elle s’hérite parce qu’elle est un produit de l’Histoire. En ce sens, la nouveauté, à l’image de l’art contemporain ou des théâtres européens basés à Paris, n’intègre pas leur sphère culturelle.

Regardons du coté des villes et des régions. Fabien Englemann est le maire FN de la ville ouvrière d’Hayange située dans la région de la Moselle. La politique culturelle qui est menée dans cette ville révèle cette tendance passéiste du front national. Il a par exemple fait installer une volumineuse crèche devant l’hôtel de ville. Et ô, surprise, les trois rois mages censés représenter respectivement l’Europe, l’Asie et l’Afrique sont tous devenus blancs !… C’est aussi lui qui a instauré la Fête du cochon (notons qu’Hayange est une ville avec une importante communauté musulmane) et qui a supprimé le festival “Gourmets d’ici et d’ailleurs” qui valorisait les cuisines du monde.

La culture oui, mais quelle culture? Une culture française, très française, riche de son histoire passée et victime de l’époque actuelle, de la mondialisation ainsi que des échanges internationaux. Une culture du passé donc, hors du temps. Se profile dans l’horizon bleu marine l’idée d’une culture qui exclut ceux qui ne feraient pas partie de l’Histoire autorisée, – notamment ceux  “de souche” non française. Se dessine en définitive l’idée une culture figée, complètement en accord avec l’idée d’un universalisme rétrograde, en porte-à-faux avec l’idée de relativisme culturel et en opposition bien évidemment avec la réalité des différences. La Culture selon Marine Le Pen s’écrit donc au singulier et non au pluriel, selon les règles du “Français”.

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Quitterie Puel

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