Politique culturelle
Rapport sur les discriminations sexistes dans la culture : la France doit sérieusement se mettre au travail

Rapport sur les discriminations sexistes dans la culture : la France doit sérieusement se mettre au travail

21 February 2018 | PAR Charles Filhine-Trésarrieu

Le Haut Conseil à l’Égalité a remis à Françoise Nyssen son rapport concernant les inégalités entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture, et la ministre semble avoir de quoi travailler pour mettre la France au niveau de ce qui a précédemment été annoncé comme « la grande cause du quinquennat ».

Après l’avoir rendu public, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) et sa présidente, Danielle Bousquet, ont remis un rapport de 134 pages à la ministre de la culture ce vendredi 16 février, dans le cadre du Tour de France de l’égalité femmes-hommes lancé par Marlène Schiappa, la secrétaire d’État en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Ce travail est présenté à une période où la société dans son ensemble prend de plus en plus en compte la parole des femmes qui témoignent des violences et des discriminations sexistes dont elles sont victimes, après que les premières mobilisations aient été amorcées au sein du monde culturel aux États-Unis avec notamment le mouvement #metoo. Le rapport du HCE ne surprend alors personne en rappelant que les femmes ne sont pas non plus épargnées dans les domaines des arts et de la culture en France. Il montre entre autre qu’aujourd’hui si la majorité des étudiants en cinéma sont des étudiantes, seuls 6% des récompenses sont décernées à des femmes lors de la cérémonie des Césars, et seule une palme d’or a été décernée à une femme depuis la création du festival de Cannes il y a 70 ans. Cela vaut pour l’ensemble des domaines culturels et artistiques : majoritaires dans les écoles, les femmes disparaissent ensuite progressivement lors du processus de sélection, pour finir par être ultra minoritaires lorsqu’il s’agit des programmations, des projets soutenus, des récompenses décernées et des places aux postes de décisions. Ainsi 97% des groupes programmés par les grands festivals de musique sont composés exclusivement ou majoritairement d’hommes, aucune femme ne dirige un théâtre national ou l’un des sept centres nationaux de création musicale, et 85% des expositions-hommage dans les grands lieux d’exposition sont dédiées à un homme.

Le constat est accablant, mais le rapport détaille surtout les solutions proposées par le HCE. Cette instance à vocation consultative, créée pendant la première année du quinquennat Hollande, a ainsi présenté 20 recommandations à la ministre de la Culture, centrées sur deux grands axes. Le premier axe d’action préconisé est de moduler les financements publics alloués aux projets culturels en fonction de leurs efforts en matière d’égalité entre les genres. L’atteinte totale ou partielle d’objectifs concernant la progression de la place des femmes dans leur programmation et leurs postes de décisions serait sanctionné par des bonus ou des malus. La stratégie affichée est de récompenser les bons élèves de l’égalité et de toucher au portefeuille les organismes peu enclins à opérer des changements égalitaires dans leur mode de fonctionnement. À terme, le HCE estime que cela devrait permettre d’améliorer l’accès des femmes aux financements publics pour la création artistique, d’améliorer leur accès aux postes de décisions des institutions culturelles, de faire reculer les stéréotypes en diversifiant les rôles sociaux et en arrêtant d’allouer des fonds aux productions banalisant les violences sexistes, et enfin de rendre aux femmes leur place légitime dans la politique mémorielle publique. Concernant ce dernier point, le HCE rappelle en effet que des efforts doivent aussi être fait en matière de matrimoine national. Ainsi l’annonce récente de l’inhumation de Simone Veil au Panthéon le 1er juillet prochain portera le nombre de femmes bénéficiant de cet honneur national à seulement 5, alors qu’elles partageront leur dernière demeure avec 73 hommes.

Le second axe des recommandations se veut complémentaire du premier, en ayant pour objectif de s’attaquer à un ensemble de facteurs repérés par le HCE parce qu’ils forment selon lui le terreau des inégalités entre les genres. Comme dans l’ensemble de la société, il s’agirait alors de prévenir le harcèlement et les violences sexistes au travail en sensibilisant les professionnels, en favorisant l’accompagnement des victimes et en désignant un ou une référente à la lutte contre les violences sexistes au sein de tous les établissements culturels et artistiques. L’orientation des étudiantes doit également cesser d’être aussi sexuée selon le HCE, qui estime qu’elles sont encore beaucoup trop souvent dirigées vers des disciplines moins prestigieuses socialement et donc forcément moins avantageuses financièrement. Si la présidente du HCE et ses rapporteurs reconnaissent que des efforts ont été faits ces dernières années, ils estiment qu’un « changement d’échelle est aujourd’hui attendu » dans la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Maintenant que le rapport a été remis à la ministre, la balle est dans le camp du gouvernement s’il veut être à la hauteur de ce que le président Macron a annoncé comme étant « la grande cause du quinquennat ». Mais quant on constate qu’entre 2012 et 2016 au Musée du Louvre, le plus visité de France avec plus de 8 millions de visiteurs l’année passée, une seule exposition sur 62 a été consacrée à une artiste femme, on se dit que les institutions françaises risquent de devoir sérieusement repenser leur fonctionnement.

Visuel : George – Wikimedia

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Charles Filhine-Trésarrieu

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