Politique culturelle
MuCEM, nouvelle tuile pour le Ministère

MuCEM, nouvelle tuile pour le Ministère

28 July 2014 | PAR Franck Jacquet

Après le feuilleton à rebondissements du Musée Picasso, l’été nous livre une nouvelle saison en forme de saga d’été : la gestion du MuCEM (Musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée. Le coût de l’ouverture et des premiers mois de fonctionnement dépassent largement les enveloppes prévues initialement. Rien de neuf a priori donc sur l’administration des grands travaux culturels ? Le problème prend en fait plusieurs aspects.

 

L’explosion (habituelle) des coûts d’ouverture
Des conclusions provisoires de la Cour des Comptes ont été rendues publiques la semaine passée par le Journal du Dimanche. L’institution pointe les dérives des coûts d’ouverture du MuCEM ainsi que de ses chantiers connexes, infrastructures majeures de l’année 2013 durant laquelle Marseille était capitale culturelle européenne avec son arrière-pays provençal. Le projet comprenant la construction du bâtiment de Ricciotti mais aussi la restauration et l’aménagement du Fort Saint-Jean était évalué initialement à 100.000 d’euros, son coût avait grimpé à 160.000. En réalité, le coût de mise en route avoisine les 350.000 euros. De plus, l’ensemble des travaux n’est pas achevé, particulièrement au Fort Saint-Jean dont l’avenir ne semble pas s’éclaircir. Une fois de plus donc, un grand chantier voit son budget prévisionnel être pulvérisé. On se rappelle du Quai Branly ou plus récemment du Louvre-Lens et du Centre Pompidou… Une fois de plus, la politique culturelle risque d’apparaître, avec force reportages et papiers, comme un gadget coûteux. Bien évidemment, le Ministère comme les autres institutions partenaires font une fois de plus l’objet de critiques pour leur mauvaise gestion.

Les autres problèmes connexes
Le problème est qu’à cette facture s’ajoutent d’autres problèmes de poids. Si les autorités rappellent que l’ouverture du MuCEM est un succès avec près de 2 millions d’entrées en 2013 (et qui ne se dément pas en 2014), elles ont du mal à faire face au déséquilibre bien connu entre entrées payantes et non payantes… Plusieurs autres fronts sont ouverts : la grogne des personnels qui contestent la gestion, les conditions de travail mais aussi pour partie l’avenir scientifique du lieu (la mission scientifique n’a jamais été complètement éclaircie) ; la viabilité même du bâtiment dont les coûts d’entretien ont été sous-évalués (le toit présente déjà des dégradations) ; enfin l’avenir de l’ensemble des infrastructures créées et rénovées l’année passée est posé par l’ensemble des acteurs marseillais et nationaux.

L’après Marseille-Provence 2013
En effet l’enjeu pour le MuCEM et les grands chantiers achevés en 2013 est de parvenir à transformer l’essai semi-réussi de l’année culturelle. Cette dernière s’était révélée être un calvaire d’organisation tant les oppositions politiques étaient fortes entre collectivités… Le bilan artistique était lui aussi contrasté. Pour autant, le décollage culturel et les rénovations de grands musées ont été d’incontestables réussites, le MuCEM se classant rapidement comme l’un des grands musées français à prétention européenne voire mondiale. Pour autant, les questions de l’après 2013 doivent trouver des réponses urgentes : comment faire que les autorités continuent d’appuyer (financièrement) les lieux tout en les guidant vers plus d’autonomie en équilibrant recettes et dépenses ? Comment maîtriser sur le long terme les coûts de fonctionnement qui avaient été sous-évalués dès le commencement du projet ? Quelle complémentarité de contenu sera proposée entre le Fort et le MuCEM ? Plus largement, quelle cohérence donner à l’ensemble des lieux pour faire que Marseille devienne durablement une capitale culturelle de rang européen comme Lille a su le faire après 2004 ? Ici, les autorités sont interpelées comme le sont les acteurs du monde de la culture. Elles devront notamment faire de sorte que la ville elle-même ne soit plus un repoussoir (grèves récentes, port en pleine crise de modernisation et image de la ville toujours liée à l’insécurité et à la pauvreté), même si l’année écoulée a pu amorcer le changement.

La polémique n’est certainement pas achevée autour du MuCEM dans la mesure où au-delà des coûts de lancement, il sera nécessaire de régler les problèmes plus structurels liés au réseau culturel local mais aussi à la vie de la métropole elle-même.

Visuel : DR

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Franck Jacquet
Diplômé de Sciences Po et de l'ESCP - Enseigne en classes préparatoires publiques et privées et en école de commerce - Chercheur en théorie politique et en histoire, esthétique, notamment sur les nationalismes - Publie dans des revues scientifiques ou grand public (On the Field...), rédactions en ligne (Le nouveau cénacle...) - Se demande ce qu'il y après la Recherche (du temps perdu...)

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