Politique culturelle
Les révolutions du Off d’Avignon

Les révolutions du Off d’Avignon

10 July 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

En quelques semaines, le nouveau directeur du Off d’Avignon, Pierre Beffeyte, a révolutionné la vieille maison. Nommé en novembre, il a déjà réalisé quatre des projets qu’il souhaitait mettre en place lorsque nous l’avions rencontré. Nous l’avons de nouveau interrogé pour savoir quelles étaient les grandes réalisations de ce début de mandat.

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Pierre Beyfette nous confie “Nous avons créé un fonds de professionnalisation qui est là pour aider les artistes, sur l’emploi, afin d’essayer de lutter contre la précarisation grandissante des intermittents du spectacle. C’est un fonds qui est doté de 200 000 euros, qui a été abondé pour les sociétés d’auteurs comme la Sacem ou la SACD par le groupe Audiens, par le CNV, la SPEDIDAM, mais aussi par notre réserve sur la billetterie, en payant les accréditations professionnelles et puis par notre fonds de réserve. Cela nous a permis d’aider 209 artistes sur la base de 1000 euros par artiste, qui couvre le payement des charges sociales et patronales à condition que de un, ce soit des créations à Avignon et de deux, que les artistes s’engagent à respecter les conventions collectives.”

Le Off, ce sont 1480 spectacles qui ne forment pas un festival mais plutôt un salon du théâtre où les compagnie viennent présenter leur travail. La seconde révolution du nouveau directeur est d’avoir “mis en place une formation avec l’AFDAS, gratuite, autour de dix modules qui tournent autour de la gestion d’entreprises culturelles: modules sur la fiscalité, sur le droit du travail, sur le droit des contrats etc… C’est une formation qui a lieu le matin au village du Off et qui dure deux heures. L’idée, c’est que les intermittents s’inscrivent un peu à la carte – ils prennent ce qu’ils veulent. Et puis, après, cette formation peut continuer sur le territoire où ils habitent en partenariat toujours avec l’AFDAS.” Cela permet aux artistes de se former à tous les métiers que comprend l’idée de monter une compagnie.

Autre point, jusqu’à présent, l’anarchie à la fois visuelle et écologique régnait sur la ville à cause des affiches. Ces outils de communication de fortune étaient transportés de la ville d’origine de la compagnie à Avignon par camion, entraînant des coûts de transports supplémentaires.  “Nous avons travaillé sur la mutualisation de l’impression des affiches pour essayer de réduire les coûts pour les compagnies. On a donc proposé de mettre en place un pack de 300 affiches qu’on a négocié nous mêmes avec des imprimeurs. C’est assez intéressant, parce qu’on a eu 600 compagnies qui ont adhéré à ça. Cela a permis de baisser les prix quasiment de 50%. Et cela a une deuxième vertu. Cela permettait également d’avoir une visibilité sur toute la filière écologique de la fabrication des affiches, de l’origine du papier pour qu’il soit recyclé mais aussi des encres, car c’est un problème à Avignon. Non seulement il faut collecter les affiches, mais derrière si on ne sait pas s’il y a de la colle ou non, si l’encre est recyclable ou pas, elles sont détruites en globalité. Or là, l’avantage c’est qu’on a fait mettre un petit écusson dessus et donc grâce à cela, le service du Grand Avignon peut les traiter différemment et réellement, les recycler parce qu’on sait qu’elles sont entièrement faites de produits recyclables. Donc, sur un plan écologique et économique, c’est intéressant.”

L’un des axes commun au Festival d’Avignon et au Off d’Avignon est le renouvellement des publics. Cela passe par un ancrage régional.  “Quand on fait l’étude des publics, il en existe deux types: d’une part les abonnés, qu’on connait bien et qui reviennent années après années, qui représentent 50 000 personnes. Puis d’un autre côté on a le public qui n’est pas abonné, qui est celui qui vient pour un ou deux spectacles. Donc un public plus local, plus régional, et qui, on a l’impression, est en chute libre. Je dis «impression» car on n’a pas de chiffres exacts. On a quand même fait des sondages auprès de plusieurs théâtres et il semblerait qu’on soit passé de 30 à 17% en deux ou trois ans. Ce qui s’explique avec les attentats de Nice ou avec le coût du festival. Donc notre idée c’était de dire, si on veut aider les compagnies, il faut qu’elles augmentent leurs recettes et donc il faut qu’en amont on re-travaille sur les publics. On a donc changé complètement notre campagne de communication, qui montre plus la diversité du OFF, qui est plus joyeuse. Et puis surtout, on mis en place une très grosse campagne de communication qu’on a démarrée à Paris, et qu’on a déployée par la suite sur l’ensemble de la région PACA, en se disant que c’est vraiment ce public là qu’il faut qu’on aille chercher, un public qui va venir à la journée.

On a travaillé également sur la tranche d’âge 18-25 ans, qu’on a du mal à avoir pour des raisons économiques et aussi parce qu’ils connaissent mal le festival. On sait que quant ils viennent, ils aiment: on a fait des dizaines d’expériences dessus, et on s’aperçoit qu’à chaque fois qu’ils découvrent, ils adorent et qu’ils reviennent. Mais il faut les faire venir dans un premier temps. On a fait plusieurs concours pour leur faire gagner des séjours où on prend en charge le transport, l’hébergement et la carte OFF: ils n’ont plus qu’à payer leur repas et les spectacles. On a fait ça également pour des familles. On a fait gagner seize jeunes et quatre familles. Pour les familles, ce sont des séjours de quatre jours. La contre-partie, que se soit pour les familles ou les jeunes, c’est qu’ils communiquent sur le OFF, sur leur expérience, notamment sur les  réseaux sociaux. On travaille dessus, mais on sent qu’on est moins efficace qu’eux. C’est une expérimentation qu’on fait et j’espère que l’année prochaine on va arriver à trouver des partenaires privés pour financer cela. Si on arrivait à faire venir 60-100 jeunes, ce serait super! Et ce n’est pas un coût énorme: pour nous ça nous coûte 300 euros de faire venir un jeune sur un week-end par exemple. Donc finalement, pour des entreprises ça peut être très facilement visible et ils peuvent en gérer le coût très rapidement.”

Ce qui se passe depuis quelques mois était impensable il y a peu. La perception du Off change. Jusqu’à cette année, les lieux transformés en théâtre pratiquaient des frais de location de créneaux exorbitants. Jusqu’à 15 000 euros par exemple pour se produire une heure, chaque jour, dans la grande et belle chapelle du collège de la Salle par exemple.

D’autres, et cela est devenu impossible, transformaient des taudis en théâtre. Désormais, l’hygiène et la sécurité sont là.

Les temps changent, pour le meilleur.

Visuel : DR

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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