Politique culturelle
Le Louvre-Lens face à son échec

Le Louvre-Lens face à son échec

22 August 2016 | PAR Fiona Dubois

Pour François Hollande à l’inauguration de ce « Louvre hors du Louvre » à Lens en 2012, «ouvrir les portes de l’art, tout en contribuant à la vitalité d’un territoire, telle est l’ambition du Louvre-Lens». Quatre ans plus tard, cette nouvelle institution de la démocratisation culturelle a-t-elle rempli sa mission ?

Le défi était double : celui de la culture pour tous, celui du dynamique économique. Le Louvre-Lens avait pour premier objectif de faire en sorte que l’art qui y sera exposé touche tous les publics. Symboliquement, le chef d’œuvre La Liberté guidant le peuple (1831) de Delacroix, parmi d’autres, a été envoyé depuis Paris jusqu’à Lens. M. Hollande l’a commenté ainsi lors de son inauguration: « c’est le mouvement populaire, ouvrier, solidaire, et la liberté qui le guide, donc ici forcément il est à sa place. »

« Cette région, la plus jeune de France, la plus éprouvée par la crise et qui s’offre aujourd’hui le Louvre », a également déclaré le président de la République lors de l’inauguration du musée. « Cette implantation, au cœur d’une ancienne cité ouvrière, est un miracle », disait alors Daniel Percheron, président du conseil régional. Ce qu’ils espéraient tous en effet, c’était « l’effet Bilbao », du nom de cette ville espagnole très touchée par la crise qui a retrouvé toute sa vitalité économique grâce à l’implantation du musée Guggenheim, un peu également à la manière du Centre-Pompidou Metz, dans une moindre mesure.

La mission confiée au Louvre-Lens était louable. De là à dire que le musée l’a rempli, il y a un pas qu’il ne faudrait pas franchir trop vite. En effet, le musée a prouvé son incapacité à atteindre les milieux populaires. Le public touché est bien le même que celui des musées habituels, et on y compte moins de 3% d’ouvriers. Peut-être ne suffit-il pas de créer un musée pour inciter tout le monde à y aller. D’autant que pour beaucoup, malgré quelques tentatives de pousser l’art dans des lieux où il ne se trouve pas habituellement comme un supermarchéet malgré de belles expositionsle musée a adopté une approche trop classique, sans innovation muséographique ou pédagogique particulière qui pourrait l’aider à élargir son public.

En outre, l’impact sur l’économie locale a été très limité. La création d’emplois et la stimulation de l’activité résultant de l’implantation du musée sont très modérées. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que ce musée excentré n’a pas été accompagné par des infrastructures hôtelières nécessaires à son attractivité. De plus, si le Louvre-Lens a été présenté partout comme le musée qui allait pallier à un désert culturel, rien n’est plus faux alors qu’une cinquantaine de musées labellisés « Musées de France » – sans compter les 150 autres musées thématiques –, se répartissent sur un territoire dont Lens est le centre. Parmi eux, le musée des Beaux-arts d’Arras, La Piscine à Roubaix… L’implantation du Louvre-Lens se serait même fait au dépend de ces nombreux musées sur le plan financier.

Il est possible que la stratégie mise en œuvre au niveau local pour la création du Louvre-Lens ait été mal mise en œuvre, ou les caractéristiques du territoire mal évalués. Ainsi, il semble que pour ne pas sombrer, le développement futur de l’institution devra prendre en compte de manière plus fine les enjeux locaux et approcher d’une manière renouvelée et innovante une démocratisation culturelle en panne. C’est une nouvelle orientation qui sera, on l’espère, prise par la nouvelle directrice du musée, ancienne directrice adjointe du patrimoine et des collections du Quai Branly, Marie Lavandier, en poste depuis cet été, et qui devra rapidement résoudre la question de la baisse de la fréquentation du musée. 

Visuel : © Flickr – Guillaume Delebarre

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Fiona Dubois

One thought on “Le Louvre-Lens face à son échec”

Commentaire(s)

  • nanar62

    C’est vraiment un échec total tant financier que pour la soit disant création d’emploi au contraire il y a des fermetures d’établissemnts avec licenciements .Le seul point positif c’est une faune animaliere en tut genre qui s’est installé sur les parkings désert

    August 23, 2016 at 7 h 12 min

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