Politique culturelle
[Interview] Frédéric de Beauvoir, initiateur du 100 et du Festival 12×12 : “Je crois en la coopération”

[Interview] Frédéric de Beauvoir, initiateur du 100 et du Festival 12×12 : “Je crois en la coopération”

16 December 2015 | PAR Clémence Charrier

Au 100 rue de Charenton se trouve un lieu qui porte bien son nom : le 100, un établissement culturel solidaire. Rencontre avec son créateur, Frédéric de Beauvoir, pour comprendre le fonctionnement de cet endroit si atypique, et le principe du festival qui en découle, le 12×12.

Pouvez vous m’expliquer le principe de ce lieu de création que vous avez créé ?

Au départ c’est un projet réfléchi comme un projet de politique culturelle. Quand on a créé le projet il y a sept ans, c’était un moment où il y avait pas mal de squats à Paris, donc l’idée était de se demander si il pouvait y avoir une réponse légale à ce phénomène là. La notre a été de se dire : il manque des lieux de fabrique à Paris, on va donc en créer un. Pour venir y travailler c’est très facile, on essaye de servir tout le monde, si possible, en se débrouillant pour avoir la capacité d’accueil suffisante, dans un lieu très simple d’accès et pas cher du tout : 3€ par jour, avec le café gratuit ! En plus de cette volonté d’être un lieu de fabrique, on répond également à un deuxième besoin, c’est à dire l’accompagnement économique des artistes. Aujourd’hui on est l’une des deux structures référentes dans la ville de Paris dans ce qui est appelé le Plan Action Artiste. L’idée est que, quand des gens, dans la ville, sont considérés comme des artistes professionnels ou à vocation professionnelle, et qu’ils veulent monter un projet mais qu’ils n’arrivent pas à s’en sortir économiquement, on leur apprend à vivre de leur métier. On essaye de leur trouver un modèle économique, sans pour autant leur apporter une aide financière. C’est la vocation politique du 100, qui s’adonne à un aspect un peu tabou du métier d’artiste.

Comment sélectionnez-vous les artistes qui viennent chez vous ?

On accueille tout le monde : quand on dit ouvert à tous, c’est vrai. On a des sans abri qui viennent, des gens en reconversion après une vie difficile, des personnes autistes. Nous on leur a dit : on vous accueille dans l’atelier, comme tout le monde. Il suffit juste de s’adapter aux conditions parfois un peu particulières de chacun. On fait pas non plus de séparation « professionnel – amateur ». Surtout que c’est beaucoup trop compliqué de définir un tel statut. On a vraiment de tout, parce que le lieu est baigné d’une ambiance très ouverte et chaleureuse. On a par exemple en ce moment un artiste syrien, vraiment très connu dans le monde entier, venu chez nous suite à la guerre en Syrie. D’être tout seul dans son très grand atelier de Paris le rendait malheureux, il est donc arrivé chez nous. Tout ça parce qu’il y a une belle énergie ici, les gens se sentent bien. Il n’y de discrimination ni dans un sens, ni dans l’autre.

Et comme en êtes vous arrivé à l’idée du Festival 12×12, quelle est la genèse de cet événement ?

Alors, le festival a été pensé autour de deux réflexions. Quand on a lancé le 12×12, le 12e arrondissement de Paris était vu comme un désert culturel, alors qu’en fait il y a plein de choses à y voir. Plein de grosses structures, mais aussi des petites, qui demandent à être découvertes par les gens. Donc pourquoi pas faire un festival qui montre l’ensemble de la vie culturelle de l’arrondissement. Tout ça pour les habitants du 12ème, mais aussi pour la visibilité que cela lui apporte. Cela a évolué depuis six sept ans, mais c’est toujours quelque chose qui mérite d’être travaillé. Et puis ayant monté un lieu de création, je trouvais intéressant de pouvoir projeter des choses qui se fabriquent chez nous, et de travailler en collaboration avec des structures. Parce que moi ce qui m’a toujours intéressé dans le processus de création, c’est l’élaboration de l’idée, c’est le fond du problème, c’est le propos, c’est donc un petit peu la cuisine. Mais les gens connaissent plutôt la salle, le produit fini, et ne se rendent pas toujours compte de la réflexion, du travail qu’il y a derrière. Le 12×12, c’est donc à la fois montrer que dans le 12ème il se passe des choses, tout en partant de ce principe de fabrication.

Quelles sont vos relations avec les lieux d’exposition ?

On est vraiment heureux de tisser des liens avec nos partenaires. Si j’ai créé une société coopérative, c’est parce que je crois en la coopération. Je pense que même si en ce moment il tangue un peu dans tous les sens, le monde sera coopératif. Je pense qu’il y a des bouleversements parce que, justement, ce monde change, mais qu’on va aller de plus en plus vers cette coopération : on le voit avec les nouvelles technologies, l’envie des gens de vivre ensemble. Il me semble d’ailleurs que si aujourd’hui la politique se porte mal, c’est qu’elle ne sait pas coopérer : on reste sur une espèce de militance du XIXè siècle, sauf qu’on est plus au XIXè siècle. Alors que ce qui compte, maintenant, c’est la participation.

Et sinon, de nouveaux projets ?

Les attentats du 13 novembre, nous a fait réfléchir à cette idée de parler ensemble. Moi j’ai regretté que le lieu n’ai pas eu l’occasion de mettre en place une sorte de débat public, alors que ça aurait été intéressant. On a la chance d’avoir un grand espace, mais là c’est vrai qu’on était pas prêts à organiser ça. Je crois que les gens avaient besoin de discuter de cette problématique, mais il n’y a eu que très peu de débats. La volonté d’être un lieu de réflexion collective a toujours été un projet, et les récents événements nous ont montré l’urgence son urgence. Là je me dis que pour 2016, c’est vraiment une idée à creuser : créer une sorte d’université populaire. C’est une mission qui nous semble importante.

VISUELS :

– Victor Férès au travail dans son atelier au 100  © DR

– Tableau de Baye-Dam Cissé © Baye-Dam Cissé

– Couverture de la revue Soldes © Marc Borgers

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Clémence Charrier

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