Politique culturelle
Claire Dupont : “La création est intimement liée aux conditions de production”

Claire Dupont : “La création est intimement liée aux conditions de production”

10 January 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Du 11 au 25 janvier 2018 le collectif composé de Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui, (collectif issu de l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne) et accompagné par Guillaume Cayet en tant que dramaturge présentera Le Monde Renversé au Théâtre de la Cité Internationale dans le cadre du dispositif Cluster, mis en place par l’office de production Prémisses, initié et dirigé par Claire Dupont. Nous avons rencontré sa directrice afin de parler de ce soutien très intense à la jeune création.

Des prémisses en hiver ? Avez-vous l’idée que la création doit se dénicher profondément, en creusant ? 
La création est partout. Les écoles supérieures d’art dramatique sont nombreuses en France et offrent des conditions très favorables pour générer la jeune création. Mais à leur sortie, les jeunes diplômés qui veulent se lancer dans un projet de compagnie se retrouvent rapidement désemparés face au process administratif souvent lourd qu’impliquent la création et sa bonne gestion. Ils doivent développer un projet artistique fort, penser un territoire sur lequel s’implanter, élaborer une stratégie. Il leur faut réunir des collaborateurs artistiques, techniques, et administratifs autour d’eux, rendre visible le projet et trouver les premiers partenaires professionnels et institutionnels. Puis élargir ce champ à celui de la diffusion pure en ciblant des lieux en adéquation avec la proposition artistique. Sans accompagnement et sans financement ce chemin est souvent long et complexe.
La création est intimement liée aux conditions de production
C’est souvent là que la différence se joue
Finalement les compagnies dites « émergentes » qui sont « dénichées » ont souvent derrière elle des années de précarité , où la réalisation des projets repose sur l’énergie collective du groupe d’acteurs et de techniciens qui accepte de travailler bénévolement ou presque. Et malheureusement ce constat n’est pas simplement celui de la jeune création.
Les artistes sont obligés, pour créer, de devenir leurs propres producteurs et cela en dépit de leur jeunesse, de leur manque de moyens, d’expériences, de connaissance du réseau et de contacts. Il faudrait pouvoir les soulager de la question de la production administrativement parlant. Correctement entourée la création, remise au cœur du processus, gagnerait en qualité et en temps de développement. L’appropriation des enjeux de structuration et de développement liés à leur projet artistique se ferait donc progressivement

A quoi sert Prémisses ?
Prémisses propose de créer ce sas, cette rampe de lancement administrative, qui permettrait aux artistes émergents de se constituer par la suite en entité de production, c’est-à-dire en compagnie, une fois plus aguerris aux lois de la profession ; d’être accompagnés sur le chemin professionnalisant de la production et de la diffusion qui détermine, au-delà de la qualité artistique, le développement d’une carrière.
Prémisses pose l’idée d’une reconfiguration nécessaire de la filière vers une économie plus solidaire, qui interrogerait la mise en commun des moyens de production à des moments clefs du cycle de vie de l’artiste, où il est structurellement fragile.
Prémisses serait donc un organisme qui expérimenterait l’investissement d’une mission de service public de production, de diffusion et de structuration en direction de la très jeune création: un office de production artistique et solidaire, conçu comme une plateforme d’accompagnement et de développement de la carrière des très jeunes professionnels du spectacle vivant, pour les métiers artistiques, administratifs et techniques.

Est-ce que Cluster permet cela : dénicher ? Pouvez vous me raconter comment ce programme a été pensé et son objectif ?
J’ai toujours considéré ma pratique professionnelle comme une nécessité absolue de créer du lien. D’être un vecteur de rencontre entre des artistes et des professionnels autour d’un projet artistique, d’une esthétique, d’une pensée singulière.
L’isolement des très jeunes artistes dans la mise en place de leur production m’a amenée à penser Cluster qui est un dispositif d’insertion professionnel et de repérage.
Je travaille sur ce projet depuis 3 ans. Il me fallait un théâtre parisien avec une politique de résidence affirmée pour pouvoir le construire. C’est ainsi que j’ai accepté de candidater avec Marc Le Glatin au Théâtre de la Cité Internationale.

Comment repérez-vous les compagnies ?
Le repérage se fait nécessairement en plusieurs étapes.
Un appel à projet national à destination des écoles supérieures, a été lancé en avril dernier par PREMISSES avec le Jeune théâtre National. Les conditions étaient simples: Les projets de création qui étaient proposées devaient être portés par des artistes sortant.e.s des écoles supérieures d’art dramatique * depuis trois ans et être au plus et proches de leurs aboutissement dans la perspective d’une diffusion des cette saison. Un regard attentif a été porté aux créations artistiques contemporaines, privilégiant les formes nouvelles et les auteurs contemporains dont Les équipes devaient être constituées à 75% d’artistes issu.e.s des écoles supérieures
Sur environ 70 dossiers reçus, nous avons sélectionné 6 équipes qui ont été invitées à présenter des maquettes d’une durée de 20 à 30 minutes, suivi d’un temps d’échange équivalent, au Théâtre de la Cité Internationale devant l’ensemble des membres du réseau de production réunis à cette occasion.
Suite à cette journée, deux équipes lauréates ont été choisi par le jury et sont rentrées en production déléguée pour 3 ans à Prémisses.
Il est évident que lancer un tel appel à projet sur de très jeunes équipes, permet de donner une capture générationnelle précieuse. Et de faire remonter des projets qui auraient probablement mis plus de temps à naitre.
L’idée de ce dispositif est aussi de travailler sur les spectacles nés de carte blanche donnée dans les écoles supérieures. Souvent ces créations ont bénéficié de l’industrie de ces écoles et de temps de répétitions.
Ce sont des premiers gestes qu’ils ne faut pas ignorer dans la logique d’un parcours d’artistes et d’une insertion professionnelle.
Ce dispositif permet à ces projets un second souffle de création puisque les lauréats bénéficient de résidences pour travailler à nouveau avant une longue période de diffusion.
Il permet aussi de porter un regard un peu neuf sur l’émergence: ce sont de vrais premiers projets auxquels on offre la possibilité d’être produits, accompagnés et diffusés longuement à paris, dans un cadre bienveillant.

Visuel : ©Dorothée Thebert Filliger

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