Politique culturelle
Disparition du Tarmac: la scène francophone en danger

Disparition du Tarmac: la scène francophone en danger

04 February 2018 | PAR Ines Guillemot

Mercredi 31 janvier, le Ministère de la Culture annonçait que le Théâtre Ouvert prendrait bientôt la place du Tarmac, l’unique scène francophone en France, suscitant de vives réactions dans les milieux culturels.

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La nouvelle est tombée mercredi dernier, « brutale » et déroutante pour les artistes, le public et la direction du Tarmac. Le théâtre apprenait dans un communiqué qu’il disparaîtrait prochainement. Une décision prise « unilatéralement » et « précipitamment », « sans dialogue ni concertation avec [les] artistes ou les acteurs culturels de terrain », affirme l’équipe du Tarmac.

Derrière cette annonce, un projet du Ministère de la Culture censé « donner un nouvel élan à l’établissement ». L’objectif : réintégrer le Théâtre Ouvert, un centre dédié à la dramaturgie contemporaine, dirigé par Caroline Marcilhac et présidé par Catherine Tasca — ancienne ministre de la Culture et ancienne ministre déléguée à la Francophonie. L’association, qui était menacée de fermeture et recherchait un lieu depuis plus d’un an, devrait prendre la succession du Tarmac en 2019. Et poursuivre les activités autour de la francophonie. C’est en tout cas ce que défend Françoise Nyssen.

L’équipe, les artistes et les partenaires du Tarmac sont quant à eux plus réservés. La mission qu’entreprend le Théâtre Ouvert est pour eux « essentielle, et menée avec talent par son équipe », affirmaient-ils vendredi dans un communiqué. Pour autant, elle répond à des objectifs distincts et « n’a jamais revendiqué d’intérêt ou d’appartenance à ce vaste territoire ». Faire du Théâtre Ouvert un centre de promotion de la francophonie reviendrait à « dénaturer » son projet de dramaturgie contemporaine, et à « museler la francophonie ». Pour les membres du Tarmac, le motif est économique, et répond à une politique de réduction des coûts: « une fois encore, il est question de fermer un théâtre, de détruire des emplois, d’appliquer un schéma libéral et technicien pour économiser et concentrer les ressources financières, toujours plus rares pour la culture ».

Car qui mieux que le Tarmac pour perpétuer la scène francophone ? C’est ce que défendent l’équipe, les artistes et les partenaires du théâtre. Avec une fréquentation moyenne de 75%, et un ancrage de près de treize ans, dont sept sur la scène qu’il occupe actuellement, le Tarmac a acquis une forte identité. Il a développé « l’un des plus grands réseaux sur la scène internationale, […] de Brazzaville au Caire, de Ouagadougou à Beyrouth, en passant par Montréal ou Marrakech ». Au cours des sept dernières années, il a accueilli près de 1000 artistes francophones, d’après sa directrice, Valérie Baran.

Contactée par notre média, elle s’est dite inquiète pour l’avenir du lieu. À la fois théâtre, centre de création et lieu d’échange, cet espace est un vrai repère pour les acteurs comme pour le public. Plus qu’un théâtre qui les accueille et les produit, le Tarmac « les découvre, les accompagne et les soutient ». Un appui précieux pour des artistes souvent issus de contextes économiques ou politiques précaires. Le Tarmac est également un espace de démocratisation culturelle. Théâtre avant tout populaire, « ancré sur un territoire vaste et métissé », il intervient régulièrement auprès des établissements scolaires, universités, médiathèques, associations, et accueille un public varié. Pas sûr que le Théâtre Ouvert poursuive cette mission.

Une pétition circule depuis jeudi (« Défendons le Tarmac! »), signée par plus de 4000 personnes, dont 50 personnalités du monde de la culture. Parmi eux, le président de l’Institut du Monde Arabe, Jack Lang, le directeur du théâtre national de Bruxelles Fabrice Murgia, la députée du XX° arrondissement George Pau-Langevin, le metteur en scène Jacques Allaire, l’historien Pascal Blanchard. Tous appellent à « soutenir le Tarmac », et demandent à Emmanuel Macron de mettre en place « une politique ambitieuse pour la francophonie, ses acteurs et ses publics ». Des signatures qui pourraient peser sur la balance et amener le gouvernement à reconsidérer sa politique ambigüe en faveur de la francophonie.

Lundi 12 février, une soirée de soutien aura lieu au Tarmac, à partir de 18 heures (Tarmac – La scène internationale francophone, 159 avenue Gambetta, 75020 Paris), en présence de personnalités du monde de la culture et de la politique.

visuel : logo du Tarmac

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Ines Guillemot

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