Politique culturelle
Commémorer Maurras : l’étrange idée du ministère de la Culture

Commémorer Maurras : l’étrange idée du ministère de la Culture

01 February 2018 | PAR Ines Guillemot

Après avoir annoncé vendredi que l’écrivain Charles Maurras ferait partie du registre des commémorations nationales 2018 du ministère de la Culture, Françoise Nyssen se rétractait dimanche, à la suite d’une vive polémique.

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Après l’affaire Céline, voici l’affaire Maurras. Les personnalités antisémites ont la côte dans le débat public. Début janvier, une polémique avait émergé autour de la réédition des pamphlets antisémites de Céline. Aujourd’hui, c’est au tour de l’écrivain nationaliste Charles Maurras d’inspirer la controverse. Le Haut Comité aux commémorations nationales, qui chaque année dresse la liste des anniversaires à célébrer au nom du ministère de la Culture, a osé y inscrire son nom. Depuis, la polémique n’en finit pas de grandir entre le ministère de la Culture et le Haut Comité d’un côté, et les organisations anti-racistes de l’autre.

Suite à l’annonce du registre des commémorations, les réactions ont fusé sur twitter. SOS Racisme, la Licra et Frédéric Potier — le Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, et la haine anti-LGBT — se sont indignés de la présence de l’écrivain d’extrême-droite dans les registres commémoratifs. Pour la Licra, Charles Maurras est “frappé d’indignation nationale”. Sa condamnation pour “haute trahison et intelligence avec l’ennemi” sous le régime de Vichy l’écarte de fait de toute commémoration.

Le débat semble tourner autour de cette notion: la “commémoration”. Charles Maurras est une personnalité de l’histoire républicaine: écrivain, polémiste, il a incontestablement influencé la vie intellectuelle, politique et littéraire de la France. Pour autant, faut-il le commémorer ? Commémorer n’est pas rendre hommage. Mais c’est reconnaître officiellement l’intérêt de son oeuvre pour l’histoire, le besoin d’explorer sa mémoire. C’est en ce sens que l’acte peut poser problème. Pour Alexis Corbière, il s’agit d’une forme de valorisation: “comprendre, étudier oui, commémorer non !”.

Pour les historiens Pascal Ory et Jean-Noël Jeanneney, membres du Haut Comité¹, au contraire : le rôle de la commémoration est de “contribuer, au hasard des anniversaires, à une meilleure prise de conscience des épisodes du passé” (Le Monde, 28 janvier 2018). Elle a donc un rôle didactique.

La ministre de la Culture a fini par trancher dimanche. La référence à l’écrivain d’extrême droite dans le registre officiel des commémorations nationales 2018 a été retirée. Elle lève ainsi une ambiguïté sur « des malentendus qui sont de nature à diviser la société française ». Le débat n’est pourtant pas près d’être clos. Après Charles Maurras, c’est Jacques Chardonne qui interroge : sur Europe 1, Nicolas Offenstadt questionnait l’intérêt de l’oeuvre de l’écrivain, qui aurait « prôné la collaboration avec les nazis », « de manière extrêmement claire et nette ». L’histoire française devrait-elle faire du tri dans ses mémoires ?

¹ Le Haut Comité est présidé par l’académicienne Danièle Sallenave, et composé entre autres des historiens Pascal Ory, Jean-Noël Jeanneney et Claude Gauvard.

Visuel: © BNF —Les Camelots du Roi au Palais: à droite, Maxime Réal Del Sarte, à gauche : Maurras

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Ines Guillemot

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