Politique culturelle
[Carnet de Voyage] La Picardie, terre de mémoire, se prépare au centenaire de la Première Guerre mondiale

[Carnet de Voyage] La Picardie, terre de mémoire, se prépare au centenaire de la Première Guerre mondiale

27 November 2013 | PAR Yaël Hirsch

Alors que la grande collecte nationale a permis- en une semaine – de mobiliser près de 10 000 familles pour numériser des dizaines de milliers de documents d’archives de la Première Guerre mondiale, à 6 mois du centenaire, Toute La Culture a suivi le guide du routard Picardie 14-18 en compagnie de l’historien qui l’a orchestré, Franck Viltart. Voyage sur 3 grands sites de la mémoire du front dans les département de l’Aisne, de la Somme et de l’Oise.

C’est guide en main et accompagné par Franck Viltar,auteur du livre et auteur chargé de mission pour l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco des paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre, que nous avons effectué ce voyage d’une journée sur les traces de cet événement historique Picardie.  Alors que des soldats de près de 42 nationalités sont venues se battre dans ce département où les dizaine de tonnes d’éclats d’obus continuent de laisser leur marque dans la terre, nous avons visité trois lieux emblématiques de la Première Guerre mondiale situés en Picardie : d’abord le fameux historial de Péronne, nid de la recherche sur la conflit depuis son ouverture, il y a 20 ans et musée en pleine mutation ; ensuite la majestueuse clairière de Retondes, où l’armistice a été signé dans un wagon, dont le musée abrite une réplique. Et enfin, au plus proche du quotidien des soldats sans toutefois aller chercher leurs traces dans la terre picarde, la caverne du dragon est le musée du champ de bataille le plus emblématique (avec Verdun) de la guerre des tranchées : le chemin des Dames.

Alors que ses espaces d’exposition devraient entièrement se transformer pendant l’hiver, l’Historial  de la Grande Guerre, à Péronne, remet dans leur contexte des objets retrouvés sur les champs de bataille. C’est à partir d’objets d’époque, de manière internationale en trois langues, et selon une scénographie qui est autant horizontale que verticale que l’Historial met en scène le conflit : le front bien sûr, mais aussi les forces de l’arrière, propagande et vie des femmes et des enfants comprises. Des causes de la guerre, avec des grandes cartes diplomatiques au sol à la mémoire des morts, l’exposition est chronologique, et évite tout nationalisme ou déterminisme. A côté des uniformes, des grenades, des cartes postales et des vidéos, Quelques œuvres d’art recréent également une atmosphère, même si toutes n’ont pas la porté et la violence du trésor de ce musée : les gravures d’Otto dix réalisées après la guerre sur son expérience dans les tranchées.  Situé entre la ligne de front de 1915-16 et celle de 1917, l’Historial est le point d’orgue d’une visite qui devrait, si le temps le permet mener à de nombreux champs de batailles, mémoriaux et cimetières (Beaumont-Hamel, Thiepval, Albert).

En quelques heures de route, direction Paris ou plutôt Compiègne, notre étape suivante a été la fameuse clairière de l’Armistice à Rethondes, où le Général de Percin, Président des Anciens Combattants de Rethondes, nous a commenté la signature de fameux armistice et montré au musée la réplique de la voiture (on ne dit pas wagon mais “voiture”) où le Général Foch a signé la paix… Armistice valable pour quelque semaines seulement et reconduit jusqu’au traité de paix, a-t-on appris. Plus ancienne que celle de l’Historial, la muséographie de Rethonde a un petit charme désuet, et le lieu a la bonne idée de mettre en parallèle dans une salle l’armistice de 1918 (dont on a pas ou peu de photos) et celui signé par Pétain au même endroit en… 1945 (et l’on est débordé d’images).

Après un déjeuner traditionnel dans la région en compagnie du directeur de la collection du Routard, Philippe Gloagen, qui nous a expliqué que la fameuse collection prenait un tour plus savant et patrimonial avec cet opus et celui sur La Normandie des impressionnistes, nous sommes allée, dans le soleil déjà couchant vers la Caverne du dragon.

Grand bâtiment gris posé sur une colline, avec une vue plongeante sur les tranchées qui dorment encore sous les vallonnements poétiques du paysage de fin d’automne, le Musée du Chemin des Dames abrite à son étage une exposition sur l’illustrateur Barroux qui a peint la vie d’un poilu. Mais les cicatrices de la Guerre sont au sous-sol, à 15 mètres sous la terre, où l’on pénètre dans une réelle obscurité, menés par un guide encore complètement habité par l’actualité de la Première guerre mondiale. Caserne souterraine que les deux camps se sont fiévreusement disputés et où ils ont parfois même “cohabité” chacun de leur côté d’un mur, ce point stratégique est aujourd’hui le symbole de la bataille ininterrompue du Chemin des dames où rien que l’offensive d’avril 1917 a fait 30 000 morts. Construit à la fin des années 1960, ce musée emprunte son usage poignant des lumières aux monuments commémorant la Shoah et impressionne fortement les visiteurs qui imaginent bien la vie frigorifiée et la peur des soldats enfermés sous les obus à 12 degrés et un taux d’humidité.

Bien que très remplie, la journée n’a évidemment pas suffi et nous sommes repartis en nous disant que nous laisserions passer le plus rude de l’hiver avant de retourner, guide du routard en main, visiter certains sites comme Craonne, Longueval ou Soissons. Et nous sommes repartis avec quelques spécialités picardes à déguster, notamment des gâteaux faits à base de coquelicots, fleur symbolique pour les poilus d’antant et la région d’aujourd’hui, car elle est la première à repousser sur la terre dévastée par les “orages d’acier”.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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