Medias
Augustin Trapenard: “La culture est ce qui nous lie”[Interview]

Augustin Trapenard: “La culture est ce qui nous lie”[Interview]

02 August 2017 | PAR Donia Ismail

Du haut de ses 38 ans, avec son regard plein de malice, Augustin Trapenard revient à la rentrée avec ces deux programmes phares. Boomerang sur France Inter et 21cm sur Canal+, tous les deux dans leurs propres styles abordent la culture différemment, avec une touche de fraîcheur qu’on lui connait si bien. Rencontre avec Monsieur Culture, Augustin Trapenard.

Dans toutes les émissions que vous présentez, à la radio ou la télévision avec 21cm, il y a toujours ce souhait d’allier information et culture. Pourquoi?

Le terme de « culture » que j’emploie volontiers abusivement et non sans autodérision, dans mes émissions, a ceci d’intéressant qu’il est trop souvent réduit aux arts et aux discours sur les arts. En réalité, la culture est ce qui nous lie, ce qui nous rassemble et ce qui permet de faire société. En ce sens, il est impossible de déconnecter la culture du monde et de l’actualité, même brûlante. Elle résonne, interroge et éclaire constamment ce qui se joue en nous et autour de nous. Le traitement de l’information par le prisme de la culture me semble donc non seulement nécessaire mais salutaire, car il propose une approche souvent plus libre, sensible et radicale du monde.

Faire une émission de culture à la télévision est un pari assez risqué non? On ne cesse d’entendre que la culture n’intéresse pas les Français. Avez-vous ressenti ça avec 21 cm?

L’immense liberté qui m’est donnée pour 21cm  tient justement au fait que l’émission n’est pas diffusée à une heure de grande écoute, mais en crypté, en deuxième partie de soirée et une fois par mois. Elle est, en revanche, disponible gratuitement et en intégralité sur le site de Canal ainsi que sur MyCanal car c’est une belle vitrine pour la chaîne. L’enjeu ici n’est pas l’audience mais la création d’un format qu’on ne voit nulle part ailleurs, l’inventivité des formes télévisuelles pour mettre en images un art sans images, et le souhait de proposer une émission unique dédié à un seul écrivain, son oeuvre et son écriture : une heure de pure littérature à la télévision. Pour répondre à votre deuxième question, je ne pense pas que les Français ne soient pas intéressés par la culture. Les très beaux scores de mon émission Boomerang sur France Inter, ou de La Grande Librairie  de François Busnel sur France 5 le montrent bien. En revanche, c’est vrai que mettre la culture a une heure de grande écoute sonne toujours comme un pari. C’est dommage car pour moi l’une des principales missions du service public est de proposer des programmes qui élèvent, des formats qui innovent et des émissions qui valorisent le sens, l’ouverture et le lien.

Pensez vous que votre émission est une émission grand public, ou finalement sans la vouloir, peut-être vise-t-elle un certain type de gens?

Avec Ivan Macaux, le rédacteur en chef de cette émission, nous avons pensé 21cm comme une émission de télévision, c’est à dire essentiellement populaire. L’idée était de proposer un format fondé sur le plaisir, le partage et le pari du sens. Par sa programmation éclectique, sa visée patrimoniale mais aussi ses séquences décalées, je pense sincèrement que l’émission s’adresse au plus grand nombre. C’est ainsi qu’on a fait la part belle au polar avec Ellroy, à la jeunesse avec Susie Morgenstern, ou encore à la BD avec Manu Larcenet…

Si il y a bien un fil conducteur dans votre carrière professionnelle c’est la culture. Vous pourriez me citer vos icônes/ figures préférées quand vous étiez plus jeune? Et aujourd’hui ?

Ce qui m’a toujours paru primordial, c’était la passion, le plaisir et le partage. J’ai été nourri, petit, au  Masque et la Plume et à Bernard Pivot – autant d’icônes du métier de passeur. Aujourd’hui, je n’ai plus beaucoup de temps pour écouter ou regarder des programmes culturels, mais j’ai beaucoup d’admiration pour François Busnel, qui a su résister à toutes les facilités et imposer sa singularité pour partager sa passion avec le plus grand nombre.

Sentez-vous une différence de liberté d’expression entre la radio et la télévision? Quel exercice préférez vous?

En réalité, mon travail se fait d’abord en amont du média ou de la tribune dans laquelle j’interviens : c’est la lecture, le visionnage ou l’écoute d’un livre, d’un film, d’un disque ou d’un spectacle. Dans un second temps, j’écris pour un media avec ses codes et ses enjeux (sonores, visuels, séquentiels…) mais je dois dire que je ne me suis jamais posé la question de la liberté d’expression dans l’exercice de mon métier. Jamais personne ne m’a dicté quoi que ce soit – sinon j’aurais déjà changé de voie !

Que lisez vous en ce moment?

Je suis bien avancé dans la rentrée littéraire. Je viens de terminer la lecture intense et radicale du Jerusalem d’Alan Moore (Inculte) et suis plongé dans le roman de Lola Lafon Mercy, Mary, Patty  (Actes Sud).

Boomerang sur France Inter, du lundi au vendredi à 9h10
21cm sur Canal+, le mardi à 22h50 

Propos recueillis par Donia ISMAIL et Eloise SIBONY 

[Critique] « Belle d’amour » de Franz-Olivier Giesbert
« Treize jours » dans la peau d’une femme prisonnière, par Roxane Gay
Donia Ismail

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration