Actu
Johnny Hallyday est mort

Johnny Hallyday est mort

06 December 2017 | PAR Antoine Couder


L’idole des jeunes est décédée dans la nuit de mardi à mercredi dans sa maison de Marnes-la-Coquette, près de Paris, des suites d’un cancer. Il avait 74 ans .

Cette fois tu ne respires plus. C’est noir, c’est noir, et il n’y a plus d’espoir. Tu passed away from la Coquette, et rebascules dans le 9ème arrondissement, au plus près des personnages de ton enfance qui auraient pu, qui ont dû croiser ceux de Patrick Modiano. Tu portes le nom de ta mère puis, brièvement, celui de ton père, un jeune poète paumé aux mille métiers, prix du conservatoire d’art dramatique et, en effet, c’est un malchanceux, un vrai malheureux. De toute façon ça ne va pas compter, de toute façon tu seras un autre. Tu vas hésiter, cow-boy ou rocker, acteur ou chanteur. Tu ne vas pas trancher. De toute façon, personne ne comprend rien ici, à la fin des années 50. Le rock’n roll, tu montres, tu démontres et tu rectifies. Non, non tu n’es pas d’Amérique en vrai, tu es Belge, et puis du quartier de la Trinité de la capitale. Au début ta voix est légère, et presque féminine. On te dit timide mais, au fond, tu n’es que souffle venu de l’au-delà. Tu n’es pas, tu es déjà mort et d’ailleurs ton premier disque qui sort au début de 1960 s’appelle “souvenirs souvenirs” et bien plus tard, en 1977, tout le monde aura tes mots sur les lèvres, ce petit hoquet de cheval fourbu, “j’ai oublié de vivre”.

En 1963, tu joues à la Nation devant 200 000 personnes. Comme dira l’autre, en 1975, “ça jouit, ça pousse des cris, ça s’roule des pelles dans les coins, si tu tiens à la vie, fais gaffe où tu poses ton poing” (Jacques Higelin), tu captes le regard de la petite blonde de l’Est avec qui tu vas inventer le glamour made in France des années 60. Tu « choisis ta façon de devenir un mythe » (Singe chromés, 2014). Comme tu dis, tu es un chanteur de rock « revu et corrigé par la variété. »Tu enchaînes les concerts jusqu’à tomber raide de fatigue, ça fait Da doun ron ron et c’est à la fois puéril et magnifique. En, 1967, Jimmy Page et même Jimmy Hendrix enregistreront avec toi. Ça y est, tu es au top, tu vas trouver le truc qui fait s’évanouir les minettes et se pâmer les mamans. Ça s’appelle, “Que je t’aime” et c’est brutal, sexuel et tragique. Ce sera ton plus gros succès.

Ta voix a vraiment changé. Comme le dit Elene Golgevit, un prof de chant qui se penche sur ton cas, c’est un médium charnu dans lequel tu introduis une saturation harmonique qui colore ton timbre, une vibration des cordes vocales et des bandes ventriculaires. Du coup oui, tu seras cette chose qui palpite entre mâle et femelle, cette animalité contagieuse qui aimante tes fans qui semblent se reproduire de génération en génération. Les années 80 ne te vont pas si mal même si parfois tu plais moins, tu halydaïses à fond, tu joues avec Godard, tu couches avec Nathalie Baye et tu deviens le père et le nom du père de Laura Smet. Tu collabores avec qui tu veux, tu vends à qui tu veux. Tu es plus que mort,  tu es immortel. Et lorsque le journal “Le Parisien” affirme que tu aurais chanté en playback au Stade de France, tu démontres vite le contraire, tu le fais constater par huissiers, et engages une action en justice pour diffamation que tu gagnes avec dommages et intérêts.

Durant la campagne présidentielle de 2007, tu apportes ton soutien à Nicolas Sarkozy, tu dînes avec lui au restaurant le Fouquet’s le soir de sa victoire mais en 2014, tu regrettes, tu dis que tu regrettes le temps de Georges Pompidou. Tu t’évades un peu fiscalement en Suisse et puis oui, c’est vrai, tu deviens vieux. La nouvelle génération finit toujours par te connaître et rencontrer ton oeuvre, mais plutôt par l’intermédiaire de ta marionnette ou de tes sosies.  En 2006, interviewé passablement ivre par France 3 Nord-Pas-de Calais, tu te demandes à haute voix pourquoi tu existerais, pourquoi tu continuerais à exister. Le journaliste pense que tu fais de l’humour. Onze ans plus tard, tu es hospitalisé un dimanche 19 novembre et, cette fois, on se dit que les “tout va bien” sonnent un peu faux.  Depuis un bail- 1967 ta première tentative de suicide- on parle de ta disparition prochaine, mais celle-ci est devenue palpable depuis le mois de mars 2017, lorsque tu évoques ton cancer des poumons. Cancer/concerts, tout se tient, tu as arrêté de fumer l’année dernière, tu as encore enregistré. Il y a quelques jours, tu as diffusé une photo de toi sur Twitter, avec ton chien. Tu laisses alors entendre que tu voudrais remonter sur scène. Ton père aussi disait ça, « demain, je partirai. Je trouverai du boulot. J’adore la liberté ». Il est mort à 81 ans, dans un hospice de Bruxelles. Son seul vrai copain aura été Rhum le zouave, le partenaire du fameux clown Pipo du cirque Médrano. Bizarre non, quand on repense à ce que chantait Antoine, le gars qui a fait vaciller ton trône le temps d’une saison en 1966, « et Johnny Hallyday en cage à Médrano » … Cette cage du père abstrait, du père lointain dans laquelle silencieusement tu finiras par déshériter tes enfants.

Le Ballet royal de la nuit : Féerie et émerveillement avant Noël
Maria by Callas, le film de cinéma qui redonne voix à la Diva
Antoine Couder
Antoine Couder a publié « Fantômes de la renommée (Ghosts of Fame) », sélectionné pour le prix de la Brasserie Barbès 2018 et "Rock'n roll animal", un roman édité aux éditions de l'Harmattan en 2022. Auteur d'une biographie de Jacques Higelin ("Devenir autre", édition du Castor Astral), il est également producteur de documentaires pour la radio (France culture, RFI).

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration