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Houleuse ouverture du Salon du Livre de Paris

Houleuse ouverture du Salon du Livre de Paris

16 March 2018 | PAR Suzanne Lay-Canessa

Une ouverture pas comme les autres : la ministre de la Culture n’y est autre que l’ancienne directrice d’une maison d’éditions totalisant 200 m2, la Russie, invitée d’honneur, crée déjà la polémique. Et la création de nouvelles scènes (Polar, Young Adult) pose déjà question.

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La nouvelle tombe quelques minutes avant l’ouverture du salon : Emmanuel Macron boycottera la scène dédiée à l’invitée d’honneur de cette édition 2018, la Russie, en réaction à l’attaque à Salisbury – ce qui ne l’empêchera pas d’aller à la rencontre de plusieurs auteurs russes. Geste courageux qui risque néanmoins d’alimenter les discordes politiques et éditoriales à l’œuvre. Au stand des Editions des Syrtes, si on se réjouit d’être présent – pour la première fois sur un « vrai » stand après quelques années adossés à d’autres – malgré le coût humain et financier impliqué, et ce pour défendre enfin des auteurs russophones contemporains, on craint que la venue de Zakhar Prilepine échaude certains. On s’attend même à une intervention des Femen – avec plus d’amusement que de réprobation cependant. Du côté de l’Association Française des russisants, on loue également la possibilité de faire connaître une langue et une culture immenses, mal maîtrisées par la France ; mais on craint également que cette simple question de la langue pose, sur la littérature contemporaine, des enjeux identitaires trop lourds. La tension est palpable.

C’est, de toute façon, un peu le danger de toute représentation d’un pays à l’aune du salon du livre, nous souffle-t-on au stand dédié au Liban. Fort, cette année, de trente éditeurs, de vingt animations et dédicaces – dont celle de la détentrice du prix France-Liban, Lamia Ziadé – de dix ans de présence sur le salon, le Liban présente ici des supports aussi variés que ceux de tous les autres gros pôles d’éditions – incluant le roman jeunesse, et même la chick litt … Mais c’est encore un regard bien précis que la France préfère jeter sur cette littérature, en lui préférant toujours un angle exotique, et en s’attardant moins sur les qualités littéraires des ses auteurs malgré l’accessibilité de leur style.

Autres nouveautés de cette année : l’avènement d’une scène Young Adult et d’une scène Polar. Plus consensuels, ces deux axes répondent selon certains, davantage au désir du public – et celui, des éditeurs, de « surfer sur ce qui marche » – qu’à une vraie démarche éditoriale. Malgré la pérennité pas si évidente des deux genres – le polar, qui avait il y a peu le vent en poupe dans le sud, est moins présent qu’auparavant selon certains, et le Young Adult n’est pas voué à un succès si viable, affirment d’autre. On pourra s’interroger sur le créneau occupé par le Young Adult malgré le succès déjà bien assis de la scène Jeunesse et de la Scène BD –Manga-Comics, et surtout en vertu du mal qu’on éprouve à définir ce créneau. « Le Young Adult, c’est bien souvent de la romance destinée aux jeunes filles de 15 ans, qui ne peut pas être vraiment osée – même si son public a souvent plus que l’âge indiqué : c’est un peu du Mommy Porn, mais sans le Porn. » Atout commercial avant tout, le Young Adult permet surtout, en creux, de faire découvrir un fond d’auteurs Jeunesse d’une vraie qualité, résistant mieux à l’épreuve du temps. Le Polar pose quant à lui d’autres questions : clairement identifiable par son cadre, davantage que par ses codes, le polar jouit d’un succès public qui ne s’assortit pas toujours de qualités littéraires, affirme Nathalie Brault, directrice des Editions Flamant Noir – petite maison d’édition née il y a quatre ans, qui n’aurait pas pu envisager une venue au salon sans la création de cette Scène Polar. Aux éditeurs indépendants, dont elle fait partie, de sélectionner les auteurs les plus marquants, aux styles les plus intéressants, et de les mettre en avant – ce qu’elle fait, en lisant un extrait de l’un à l’autre, en soulignant tel trait d’humour ou effet de style. Le Salon du Livre, c’est aussi cette générosité-là.

Visuel : ©Amelie Blaustein Niddam

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Suzanne Lay-Canessa

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