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Abbas Kiarostami : disparition du cinéaste iranien

Abbas Kiarostami : disparition du cinéaste iranien

05 July 2016 | PAR Juliette Monnier

Considéré comme un des plus grands réalisateurs du XXème siècle, Abbas Kiarostami est décédé en France ce Lundi, des suites d’un cancer à l’âge de 76 ans. Il avait quitté Téhéran pour suivre des soins plus intensifs. Retour sur la vie d’un homme qui a su s’émanciper dans un pays où la liberté d’expression est une question.

Il y aura véritablement eu un avant et un après Kiarostami dans le monde du cinéma. Un parcours atypique que celui d’un cinéaste confiné dans une culture et un pays, avec une poétique iranienne, des thématiques qui touchent son pays en particulier, puis une deuxième période avec une émancipation vers une culture plus “internationale” et au goût du grand public. Né en 1940 à Téhéran dans une famille modeste, il devient dès les années 1960 l’un des cinéastes les plus vus du cinéma iranien. Profondément humains, ses premiers courts métrages sont déjà marqués par un sens de la mise en scène proche des “réalistes”. Réalisé en 1970, Le Pain et la Rue, annonce le génie de Kiarostami à transformer un scénario de trois lignes en une grande comédie humaine, un morceau d’anthologie du cinéma. Ici, l’histoire d’un garçon cheminant par les ruelles pour ramener le pain du déjeuner à la maison, quand un chien menaçant, soudain, lui barre la route. (Lire l’article du Monde) Cinéaste du réel et poète, Kiarostami utilisait sa caméra comme un microscope pour «faire naître du lien entre les gens», disait-il. «Abbas n’est pas seulement le plus grand cinéaste iranien, le Rossellini de Téhéran, le chercheur qui trouve, c’était aussi un photographe inspiré. Il était l’art même», a tweeté l’ancien président du festival de Cannes, Gilles Jacob.

Il est resté dans son pays après la révolution islamique de 1979 mais a malgré tout continué à travailler avec le monde du cinéma à l’étranger, toléré par le régime religieux. Il réalise en 1987 Où est la maison de mon ami, très prisé à l’étranger. Pendant les années 90, Kiarostami s’impose comme un cinéaste mondialement connu avec sa trilogie Koker, dont le premier volume a reçu un franc succès : Et la vie continue traite, sous différents aspects, du tremblement de terre qui a endeuillé le nord-ouest de l’Iran en 1990. Amoureux du détail et de sa patrie, il avait la volonté de faire participer au maximum les gens du peuple, figurant, acteur inconnu à qui il donne le premier rôle… Ses films, dont il veut faire des instruments de réflexion, tournés presque toujours en extérieur plutôt qu’en studio, associent poésie par la beauté de l’image et réflexion par leur caractère cru. Grâce son style cinématographique bien à lui, les cinéphiles du monde entier reconnaissent sa patte à l’écran, et son style dans la rue, avec ses vestes trop longues et ses lunettes en verre fumé. Lunettes qui n’ont pas rendu le public aveugle puisqu’il reçoit la Palme d’or du festival de Cannes en 1997 pour «Le goût de la cerise», ou encore en 1999, avec Le vent nous emportera, sur la dignité dans le travail et l’égalité hommes-femmes, pour lequel il remporte le Lion d’argent à la Mostra de Venise.

Aujourd’hui, après une filmographie… il y  a bel et bien un héritage de Abbas Kiarostami. Ce sont les réalisateurs et artistes iraniens en diaspora qu’il a tous inspirés qui en parlent le mieux. «Sans lui, je n’aurais jamais pu faire Persepolis », a renchéri la dessinatrice et réalisatrice la Franco-iranienne Marjane Satrapi, qui avait fait sa connaissance en France après avoir admiré ses films en Iran. «En Europe on avait vu ses films, donc on ne voyait plus les Iraniens comme un peuple de terroristes, mais comme des êtres humains. Il a ouvert la voie à toute une génération d’artistes iraniens. Nous lui sommes tous redevables», a-t-elle estimé. Son compatriote, le réalisateur Asghar Farhadi, a dit au quotidien britannique The Guardian qu’il était «en état de choc». «Ce n’était pas seulement un cinéaste. C’était un mystique moderne, tant dans son oeuvre que dans sa vie privée»«A lui seul, il a changé l’image de l’Iran», a tweeté l’actrice iranienne Golshifteh Farahani. En effet, désormais le regard sur l’Iran est différent avec des cinéastes assoiffés de liberté et courageux qui redore l’image de leur pays à l’international comme Jafar Panahi (Taxi Téhéran nommé César du meilleur film étranger en 2015).  Finissons par la citation de Jean-Luc Godard si souvent tweeté depuis lundi «le cinéma naît avec Griffith et se termine avec Kiarostami».

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