Musique
Vincent Gallo : When ou le triomphe de la sobriété

Vincent Gallo : When ou le triomphe de la sobriété

25 January 2013 | PAR Lucie Droga

Vincent Gallo, c’est l’acteur touche-à-tout qu’on aimerait détester franchement, à cause (au choix): de son charisme, de sa tête, de son inspiration, de son côté branchouille, bref les exemples ne manquent pas. Et pourtant, quand on tend une oreille vers son album “When”, sorti en 2001, on se dit que finalement, en plus d’être bon acteur, monsieur Gallo sait pousser la chansonnette à merveille. Et ça nous réussit plutôt bien.

De Vincent Gallo, on retiendra soit sa performance en tant qu’acteur, comme sa remarquable prestation dans le film de Coppola sorti en 2009 Tetro, soit ses grandes phrases retentissantes, comme celle déclarée aux Inrockuptibles en février 1999 où, interrogé par Serge Kaganski sur son film Buffalo’66, il répond : “Je me fous de Cassavetes ! Il ne m’intéresse pas du tout”. Comédien et réalisateur, la passion de Gallo pour la musique est cependant loin d’être une lubie passagère à l’inverse de ce que la plupart des acteurs veulent nous faire croire. Avec Vincent, pas de blague, on joue dans la cour des grands.

Bassiste de formation, le réalisateur de The Brown Bunny s’intéresse d’abord à la musique avant de se diriger vers une carrière cinématographique. Apparaissant pour la première fois sur les écrans dans The Way It Is d’Eric Mitchell aux côtés de Steve Buscemi , il compose lui même la bande originale du film. Il décroche alors plusieurs rôles et s’attaque à la réalisation avec Bufallo’66 en 1998 et The Brown Bunny en 2003, film particulièrement connu pour sa scène de fellation non simulée avec Chloë Sévigny. Malgré ses talents indéniables de comédiens, Vincent Gallo ne se détache jamais tout à fait de la musique : en 2000, il apparaît dans le clip de “Grounded” du groupe londonien The Vitriol issu de leur album Finelines et compose et interprète la bande originale de Buffalo’66.

Si son cinéma est caractéristique d’une sensibilité fragile, sa musique n’en est pas éloignée non plus. Véritable “Face B”, le premier véritable album de Vincent Gallo, When, sorti en 2001 est pourtant passé à travers les mailles de la critique française ceci, sans doute dû à la personnalité bien trempée et pas souvent tendre de l’acteur, ne semble pas prendre au sérieux les caprices de l’enfant rebelle du cinéma. Pourtant, When est peut être le seul vrai miroir de Vincent Gallo, faisant advenir un homme nouveau, débarrassé de toutes ces mascarades médiatiques et capable des mélodies les plus douces et subtiles.

D’abord la pochette : rien, sinon une longue route de gravier donnant sur des montagnes blanchâtres et laissant apparaître un beau mais discret arc-en-ciel, promesse d’un avenir peut être déjà suranné. Vincent Gallo ou l’art du dénuement, l’image ne trompe pas, les chansons encore moins. Composant aussi bien la musique que les paroles, il faut cependant avoir le coeur bien accroché pour entrer dans l’univers mystico-névrosé du musicien :  très intimidant à cause des notes orphelines qui parsèment les chansons et de la voix pas souvent assurée, When est l’album de la sobriété et du doute. S’aventurant en terres inconnues, Vincent Gallo manie avec adresse des paroles poétiques et des mélodies doucereuses mais craintives, comme si chaque éclat lumineux arrivait après un long combat avec le monde d’en bas.

Mielleuse comme pas deux, la voix du musicien porte à merveille des textes évoquant pratiquement tous l’amour, l’amour tragique, inquiétant, étrange, comme celui que peut avoir une jeune fille kidnappée pour son ravisseur dans Buffalo’66, en somme, l’amour toujours douloureux. Le musicien semble se refuser à la tranquillité, préférant à la stabilité, des volutes qui partiraient en fumée: “When you come next to me/ I go away/ What is it not clear for me/ I go away” ne cesse-t-il de répéter dans “When”, juste avant qu’une musique produite à l’aide de vieilles machines expérimentales ne vienne bousculer l’océan, comme le calme avant la tempête, comme avant une scène d”explication parfaitement illustrée dans The Brown Bunny.

La musique de Vincent Gallo n’est donc pas séparable de son cinéma : exprimant une sensibilité toujours à fleur de peau, le musicien maîtrise habillement l’art du doute et parvient à faire voyager son auditeur dans les méandres labyrinthiques de son esprit. Loin de la rébellion, When est avant tout une prière tournée vers l’autre, un cri désespéré d’amour : “I’m always sad/ When I’m lonely/ I’m alaways sad/ Sad”.

Visuel: pochette de l’album When de Vincent Gallo

La face B d’Agnès Varda : la Nouvelle Vague
Anny Duperey, une plume de poids
Lucie Droga

One thought on “Vincent Gallo : When ou le triomphe de la sobriété”

Commentaire(s)

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration