Théâtre
Un saisissant <em>Mahabharata</em> au pays du Soleil-Levant

Un saisissant Mahabharata au pays du Soleil-Levant

06 February 2013 | PAR Géraldine Bretault

Créé au Musée national de Tokyo en 2003, présenté en 2006 à l’ouverture du Théâtre Levi-Strauss au Musée du quai Branly, Mahabharata nous revient cette année, toujours aussi éblouissant et dépaysant.

La geste du Mahabharata représente depuis des siècles le socle de la culture hindoue, creuset inépuisable de légendes et d’histoires, bientôt secondé par celle du Ramayana après l’époque védique. De cette matière aussi foisonnante que l’Odyssée grecque ou le Shaname iranien, le Japonais Satoshi Miyagi a choisi d’isoler un épisode, l’épopée du roi Nala, dans un acte créateur démesuré et puissant : par le truchement de la parole et des corps, il réalise une véritable greffe, digérant ce matériau à travers le filtre du kabuki nippon. Pour les Occidentaux aux prises avec la mort du récit postmoderne, la secousse est double. Et l’éblouissement durable.

À des lieues des codes du théâtre occidental, la narration de la pièce prend une tournure polymorphe : un conteur agenouillé dira une partie du texte, mais pas seulement – il lui arrivera aussi de déclamer les répliques de différents acteurs, quand ce n’est pas la musique percussive qui viendra dialoguer avec les interprètes. Éléphants, serpents, tigres… si le bestiaire semble indien, l’univers évoqué est quant à lui fortement lié au Japon : la céruse blanche sur les visages nous est familière à travers le culte des geishas, mais c’est aussi la parure de l’acteur de kabuki, un théâtre chanté proche de la danse. Le blanc d’une manière générale, et notamment à l’époque Heian à laquelle Miyagi se réfère, est une couleur vénérée au Japon, symbole de pureté, de raffinement, de noblesse. De fait, les infimes nuances de blanc déclinées sur les visages,  les costumes et les masques, qu’ils soient de tissu ou de papier, composent une ambiance d’une extrême délicatesse sur laquelle tranche la vigueur des sentiments exprimés, ainsi que quelques rares notes de couleur.

C’est à sa propre culture que le metteur en scène a choisi de rendre hommage, pour son incroyable capacité à accueillir l’Autre. Certes, le Japon a longtemps vécu renfermé sur lui-même, fuyant les échanges avec l’extérieur. Mais son rayonnement, semble vouloir nous dire Miyagi, est aussi le fruit de cette ouverture à l’autre, qui a permis l’intégration subtile de toutes sortes d’influences, depuis le bouddhisme à la consommation de la viande dans les temps modernes. Pour preuve ce soir, un intermède adressé au public français est venu se glisser avec beaucoup d’humour au cœur de la représentation pour permettre au conteur de se détendre au milieu de la pièce, sans interrompre son cours : aidés d’une petite pancarte rédigée dans notre idiome, des interprètes sont venus simplement nous demander d’écouter la musique quelque temps. “Je vous aime, mademoiselle”, lançait l’un d’eux, vers un public déjà conquis depuis belle lurette.

Du point de vue du public, le travail de dissociation entre la parole et le corps multiplie les possibles et décuple les cheminements de la pensée et de la contemplation. D’autant que la maîtrise de l’espace scénique est totale, depuis la distribution des musiciens sur la scène autour de tatamis en hauteur sur lesquels jouent les acteurs à l’utilisation des allées parmi le public. Le jeune public est ravi, et les plus grands ressortent la curiosité réveillée, pressés de se  plonger dans l’histoire du kabuki.

Pour compléter l’expérience, des ateliers d’origami sont proposés aux enfants, animés par les artistes du spectacle :

  • samedi 9 février 2012, à 16h
  • dimanche 10 février 2012, à 14h – cet atelier est complet

Crédits photographiques © Takuma Uchida et musée du quai Branly

 

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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