Danse
Suresnes (suite) : un solo intense de Fred Bendongué et la jubilation de Käfig Brazil avec Mourad Merzouki

Suresnes (suite) : un solo intense de Fred Bendongué et la jubilation de Käfig Brazil avec Mourad Merzouki

19 January 2013 | PAR Géraldine Bretault

Au programme ce soir, un solo de Fred Bendongué, au son du slam d’Abd al Malik, suivi d’une proposition résolument ouverte de Mourad Merzouki – à la tête du CCN de Créteil et du Val de Marne – : une invitation lancée à quatre chorégraphes autour de onze danseurs brésiliens.

Malgré la tempête de neige qui s’était levée brusquement sur Paris, la navette était bien là, place de l’Etoile, pour conduire les habitués du festival Suresnes Cités Danse au théâtre Jean Vilar. De quoi réjouir Olivier Meyer, venu accueillir son public en personne.

Silence… on rêve, Fred Bendongué

Un faisceau lumineux jaillit, centré sur une chaise où se tient Fred Bendongué, torse nu, pantalon de survêtement noir et crâne rasé dans les mains. Ce solo intense d’une vingtaine de minutes débute magnifiquement par un mouvement maintes fois ébauché, le récit d’un empêchement, d’un déploiement impossible, d’un manque d’air. Soit le portrait d’un homme seul aux entraves invisibles, au bord de la suffocation. Avec une présence exceptionnelle, le danseur chorégraphe parvient à condenser toute la surface du plateau entre ses mains.

Quand la voix du slammeur Abd al Mali entonne “Je viens d’un lieu où rien n’est jamais vraiment grave”, et que Bendongué enfile le haut de son survêtement, le contexte se précise, et le chorégraphe ne cache pas ses ambitions d’incarner un message, une colère chargée d’espérance. Pourtant, c’est bien la danse pure qui force l’attention ici, et la puissance d’expression de son interprète. Tandis que le scratch le dispute au sampling, alors que le ton comme les beats accordés sur les pulsations du cœur pourraient justifier une session de break des plus saccadées, Bendongué semble onduler autour des figures imposées, laissant le sol l’absorber avant de se remettre à marcher.

Les paroles prennent un tour de plus en plus sombre. Si aucun doute ne plane sur la souffrance mise en scène ici, le solo met en avant une immense douceur, une vulnérabilité des plus désarmantes, servies par un engagement total dans son interprétation.

 

Käfig Brasil, Mourad Merzouki

Le temps d’une pause, et le décor a changé : dans une alcôve éclairée en fond de scène, on distingue à contre-jour les silhouettes de plusieurs danseurs serrés les uns contre les autres. Dès les premiers gestes, quelque chose se passe, le public est conquis, et l’énergie des onze danseurs de cariocas achève de réchauffer l’atmosphère.

Vêtus de couleurs pastel, de pantalons cigarettes et de cravates, ou de chaussettes rose fluo, c’est un boys band d’un autre temps qui s’impose à notre regard. Le ton est vif, le rythme dense, et l’humour omniprésent. Quels sont ces drôles de zazous qui se déhanchent comme des danseurs de salsa, breakent comme des dieux et nous rejouent West Side Story sans avoir l’air d’y toucher ? Dans ce module comme dans les suivants, s’il y a un fil rouge qui se détache avant tout, c’est la force de cohésion du groupe, qui a sans doute facilité la collaboration des différents chorégraphes sollicités autour d’eux (Denis Plassard, Céline Lefèvre, Octavio Nassur, Anthony Egéa).

La richesse des influences, le foisonnement d’idées ne se démentent pas tout au long de la pièce, nous offrant des temps forts. Notamment un travail sur les onomatopées, et le beatbox, qui évoquent l’humour des comics et de la slapstick comedy, mais aussi des reptations et des joutes virtuelles très video games, des sessions de popping endiablées, des ruptures de rythmes incessantes, et un ton parfois plus grave, comme cette progression au ralenti, à l’unisson, au cours de laquelle les danseurs semblent vouloir happer quelque chose d’invisible en l’air, sorte de cri silencieux et chargé d’angoisse.

Nous revient alors en mémoire le témoignage de Céline Lefèvre, une des chorégraphes de la pièce : partie au Brésil à la rencontre des danseurs, elle confie au retour son envie d’extérioriser les émotions ressenties, de déjouer les empêchements divers qui viennent entraver leur expression.  De fait, loin de jouer sur l’exotisme ou le télescopage artificiel des cultures, tous les chorégraphes ont fait le pari de la rencontre, du métissage, pour aboutir sous le regard de Mourad Merzouki à une véritable pépite. Bravo !

 

Crédits photographiques © Michel Cavalca et Hervé Clavreul (Silence on rêve)

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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