Musique
Midem 2013 : payer plus pour consommer moins?

Midem 2013 : payer plus pour consommer moins?

28 January 2013 | PAR Sandra Bernard

La conférence de presse annuelle du MIDEM ( Marché International du Disque et de l’Edition Musicale) se déroule actuellement au Palais des festivals de Cannes. Connu pour sa programmation musicale alléchante, c’est également le lieu privilégié des grandes annonces pour le monde musicale et cinématographique.

L’une des annonces qui risque de faire le plus de bruit dans les prochains mois n’est autre qu’une amende de 140€ incluse dans Hadopi. Ainsi, Hadopi, considérée par beaucoup comme inapplicable et obsolète serait modifiée. Exit la suspension (partielle) de l’accès à internet pendant 3 mois en cas de récidives, l’’UPFI (Union des Producteurs phonographiques Français Indépendants) et d’autres collectifs souhaitent lui substituer une amende de 140€. Jérôme Roger, directeur général de l’UPFI, contacté par PCimpact, a confirmé militer pour cette sanction. Les acteurs de l’industrie du disque et du film n’ont jamais caché leur déception face à l’inaction du volet répressif de la loi.

Pour mémoire, les lois Hadopi sont le fruit de la volonté du gouvernement précédent de lutter contre le partage de contenu licencié sur internet. Successeur direct de la loi des droits d’auteurs et droits voisins (Dadvsi), la première version d’Hadopi prévoyait une suspension de l’accès à internet pour un an maximum par Hadopi. Cette partie répressive, jugée anticonstitutionnelle s’est vue retoquée par le Conseil constitutionnel. Le second projet Hadopi a opté pour une réponse graduée misant sur la pédagogie. A la première infraction constatée, un mail d’avertissement, en cas de récidive c’est une lettre en recommandée et pour les internautes indélicats vraiment rétifs c’est une suspension de l’accès aux services internet pendant trois mois maximum assortie d’une amende de 1500€ le tout prononcé par un juge. La sanction ultime d’Hadopi II n’a dans les fait jamais été appliquée, et pour cause, il serait très difficile pour ne pas dire impossible aux FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet) de ne suspendre individuellement que certaines parties de l’accès à internet tout en préservant le droit de communiquer privé par mail, chat ou autre… La solution d’une amende unique de 140€ par infraction constatée passant par une administration et non un juge est de plus en plus plébiscitée. Il s’agit d’un spectaculaire revirement de la filière musicale et cinématographique qui depuis 2004 militait pour une suspension à la place de l’amende jugée “injuste” et pouvant induire chez certain un “permis de pirater”.

Si cette mesure est adoptée et Hadopi modifiée, cela va entraîner un grand bouleversement du côté administratif et juridique. Ce ne serait plus le juge qui prononcerait la peine mais une autorité administrative, d’aucun diront Hadopi (le conseil pas la loi), qui appliquera les sanctions. La réponse graduée sera conservée jusqu’à l’amende en cas de récidive. La présidente de la Commission de protection des droits, Mireille Imbert Quaretta penche également en sa faveur. Elle avance l’aspect moins répressif (pas d’inscription au casier judiciaire) plus souple et moins compliqué. Hadopi (ou son équivalent) serait maîtresse de sa politique pénale. Ces propositions ne vont pas faire taire les suspicions de collusion entre Hadopi et les ayants droits. Les prochains mois risquent de voir une nouvelle vague de protestation des consommateurs et des associations d’internautes avec des slogans du genre “l’internaute n’est pas une vache à lait”.

Parmi les autres annonces majeures, une “taxe internet” pour aider l’industrie culturelle soulève également les passions. Il serait question de faire payer aux grands acteurs du web et au FAI un impôt pour participer au développement des projets des industriels. Ces derniers, y voient une solution possible à la crise du marché qui sévit depuis plusieurs années. Hier, Thierry Chassagne, président de Warner Music France a déclaré sur Europe 1 : « On a perdu près de 60% de notre industrie sur les 8-9 dernières années. Il est clair qu’on a besoin d’un ballon d’oxygène, on ne peut pas se contenter de réduire les effectifs, réduire les enregistrements d’artistes. On a besoin d’être aidés ». Il a mis directement en cause google et les grands acteurs du web tant français qu’international qui auraient profité “de nos contenus pour attirer des internautes chez eux. ». Il conclut par un appel en direction du gouvernement « J’espère que la ministre [Aurélie Filippetti] ira dans notre sens (…) J’espère qu’elle pourra entendre les problématiques. On a beaucoup licencié, on a beaucoup rendu de contrats. Il est important que notre ministre de tutelle puisse nous soutenir dans notre démarche de producteurs ».

Dans un communiqué AFP daté d’hier, la ministre, très réactive en cette occasion, s’est dit plutôt favorable à cette solution, tout en soulignant la difficulté à mettre en place une telle mesure. Avant tout, elle attend les conclusions de la mission Lescure sur l’« Acte II de l’exception culturelle » qui devrait arriver fin mars. Pour elle, il est normal que les diffuseurs de contenus culturels participent à leur financement, comme le font déjà depuis les années 1980 les chaines de télévisions pour les programmes qu’elles diffusent.

La ministre a également été interpellée par l’’UPFI dans un communiqué de presse du 23 janvier dernier. En plus des taxes déjà citées, ils lui demandent de revaloriser le plafond du crédit d’impôt à la production phonographique afin d’améliorer les capacités d’investissement des entreprises du secteur et de modifier les critères de sélections et les quotas pour les diffusions à la télévisions et à la radio afin d’augmenter l’exposition des nouvelles productions musicales et des artiste.  Ils militent également pour le maintien du droit à la copie privé et s’interroge sur la possibilité de l’étendre au Cloud computing.

Parallèlement à toutes ces annonces, les producteurs de biens culturels se penchent sur d’autres solutions rapportées par leprogres.fr, comme une poussée vers les nouveaux marchés des pays émergents. Des procédés de fidélisation du public par des ventes de places de concerts très longtemps en amont et la transformation des artistes en “marque” comme cela se pratique déjà pour les plus grands noms de la scène musicale. Mais c’est surtout sur l’innovation qu’il faut miser en proposant des services diversifiés adaptés aux nouveaux usages des consommateurs. Il serait illusoire de vouloir combattre à toutes fins internet et les multiples modes de diffusion et de partage qu’il propose.  Le développement de l’offre de contenu légal en ligne, au cours des dernières années de même que les systèmes de verrous numériques limitant la diffusion de contenus ne sont que les premiers pas d’un nouveau système économique. Le MIDEM en est bien conscient. Aussi, cette année, de jeunes entrepreneurs sont invités à présenter leur projets aux professionnels et investisseurs potentiels dans un “labo”. Comme quoi même dans ce milieu très conservateur, la révolution numérique est en marche, et l’on ne se concentre plus seulement sur le tout répressif.
Visuel : Affiche du Midem Festival 2013
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Sandra Bernard
A étudié à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense l'Histoire et l'Histoire de l'Art. Après deux licences dans ces deux disciplines et un master recherche d'histoire médiévale spécialité histoire de l'Art dont le sujet s'intitulait "La représentation du costume dans la peinture française ayant pour sujet le haut Moyen Âge" Sandra a intégré un master professionnel d'histoire de l'Art : Médiation culturelle, Patrimoine et Numérique et terminé un mémoire sur "Les politiques culturelles communales actuelles en Île-de-France pour la mise en valeur du patrimoine bâti historique : le cas des communes de Sucy-en-Brie et de Saint-Denis". Ses centres d'intérêts sont multiples : culture asiatique (sous presque toutes ses formes), Histoire, Histoire de l'Art, l'art en général, les nouveaux médias, l'art des jardins et aussi la mode et la beauté. Contact : sandra[at]toutelaculture.com

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