Musique
Benjamin Biolay, la vengeance est un disque qui s’écoute à froid

Benjamin Biolay, la vengeance est un disque qui s’écoute à froid

15 November 2012 | PAR Yaël Hirsch

Les critiques sont très partagées sur le nouvel album de Benjamin Biolay. Après le succès incontesté de la “Superbe” qui lui avait valu deux Victoires  de la Musique et l’avait consacré jeune pape de la chanson française, BB était attendu au tournant pour ce “Vengeance”. Cependant, malgré les duos “people” (Vanessa Paradis, Car Barât, Orelsan, Julia Stone), “Vengeance” ne provoque pas de “coup de foudre”. Le disque n’en est pas pour autant mauvais, loin de là, il demande simplement un peu d’attention et d’écoute pour délivrer ses sucs les plus délicieux.

Dans “Trash Yéyé” Biolay, émancipé de ses égéries se la jouait cow-boy séducteur et disait brillamment merde à tous. La longueur et la complexité des registres de “La superbe”  exprimait une crise existentielle qui touchait directement l’auditeur, qu’il s’agisse du parent classique avec “ton héritage”, de celui dont le désir est en berne avec “Night Shop” ou du couple enterré par le quotidien dans “Brandt Rhapsody” (alias la “chanson des post-its”). Dans “Vengeance” pas de grandes envolées romantiques de sentiments. Il y a quelque chose de posé et d’apaisé qui ne touche pas directement aux tripes.

Apaisement de l’artiste et retour aux années 1980, comme le suggère donc les synthés du très hypnotique “Sous le lac gelé”. Et une chanson rythmée comme “Le sommeil attendra” est donc plus une pensée magique qu’une réalité et alors qu’une chanson comme “Bien avant” portait le sang frais des plaies d’une rupture, “La fin de la fin” n’est plus qu’un jeu de mots. Calmé,  il est vrai que BB roule parfois en roue libre sur ce qu’il sait faire : Faire son Gainsbarre (“Marlène Déconne”), psalmodier (“Trésor, Trésor”), harmoniser (“Confettis” est un joli générique des harmonies que Biolay a composées pour l’album solo de Julia Stone), pratiquer l’allitération (“Aime mon amour”) et arranger, encore et toujours, un son quasi parfait.

Certains titres sont carrément ratés, notamment le duo éponyme, avec Carl Barât des Libertines, qui avait été son complice dans le massacre de Pop’ea d’après Monteverdi au Châtelet, le printemps dernier. Et “Profite” avec Vanessa Paradis est mélodiquement digne d’une composition pour Carla Bruni, gratuitement grossier, et fait rimer “Fais la moi courte” avec “On n’en a plus rien à foutre”. Mais, écoutées plusieurs fois certaines chansons touchent tout simplement juste, et même fort : “Personne dans mon lit” est une mélodie aussi féminine que masculine d’une grande finesse sur la solitude. Comme un condensé de l’album que Biolay avait écrit pour Elodie Frégé, le côté “nana neuneu” à la guitare en moins.Flirtant avec l’électro, ample et majestueux, le duo avec Orelsan “Ne regrette rien” est dans ses variations rythmique et dans la maîtrise du texte la signature même du CD : son message. “Des flocons tombent au ralenti /ou de feuilles d’arbres/ Des flocons tombent au ralenti/  Le soleil se sable/ Nos pas se suivent dans la plaine / Lorsque trop loin nos corps se plaignent / Ne regrette rien”.

Biolay n’a plus besoin de ravissantes égéries ou de montagnes russes de sentiments pour être inspiré. Fini l’artiste maudit. Objectivement, “vengeance” est son album le plus cohérent, le plus uniforme. Un objet travaillé sous toutes les coutures et qui distille une beauté à froid, brillant plus par ses mélodies que par ses mots- chocs. Album de la maturité, “Vengeance” est un plat très raffiné. Et il se mange froid, assis à la table d’une vie normale.

Pour lire notre live-report du concert de BB au festival des inrocks, dimanche 11 novembre, c’est ici.

Vengeance,

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

8 thoughts on “Benjamin Biolay, la vengeance est un disque qui s’écoute à froid”

Commentaire(s)

  • Bonjour,
    j’aimerai connaitre votre maison de production concerts svp
    Merci

    November 15, 2012 at 15 h 10 min
  • !!!!!!!!!!
    RE
    En vue de concerts futurs….
    Bonjour, j’aimerai connaitre votre maison de production svp
    Merci

    November 15, 2012 at 15 h 12 min
  • E.abbas

    “”Le côté ” nana neuneu ” à la guitare en moins… “” Vous me faites rire quand même… Si toutes les nanas pouvaient être aussi neuneues qu’Elodie Frégé ce serait un régal :-)
    Il faut reconnaitre ce qui est, cette Frégé a énormément de talent, que ce soit dans l’écriture ou la composition, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas – ce qui est mon cas – le talent est là et je pense bien décidé à s’affirmer dans les années à venir.
    Aussi vous apprendrez, que B.Biolay ne lui a écrit aucun album, il l’a simplement réalisé et lui a écrit et composé 6 textes sur 16, 8 textes ayant été écrits et composés par Frégé seule.
    Elle a depuis sorti un 3ème album, qui lui a été écrit et composé, arrangé aussi à 100% par la demoiselle. Elle y signe 11 textes sur 12.

    B. Biolay est un artiste bourré de talent, ses textes sont aussi très fins et bien ficelés et ses mélodies toujours bien travaillées.

    Alors monsieur “toutelaculture” avant de tenir des propos totalement faux, vous feriez mieux de revoir votre copie car votre pseudo culture est sans doute à réviser.
    Bonne continuation quand même.

    November 16, 2012 at 22 h 36 min
  • abraracoussis

    Manifestement vous ne connaissez pas bien Elodie Frégé ou vous n’avez pris la peine d’écouter et de vous intéresser à genèse de l’album « le jeu des 7 erreurs » à moins que vous poursuiviez une entreprise de démolition…….. Pour confirmer les propos de E.abbas, Elodie écrit et compose pour elle-même et d’autres artistes. Le talent de Benjamin Biolay ne se discute pas mais les textes d’Elodie n’ont rien à lui envié
    Il nous faudrait beaucoup d’Elodie Frégé pour remonter le niveau calamiteux la chanson française. Cela nous changerait de la daube formatée diffusée jusqu’au des radios comme NRJ et consorts, des chanteuses qui ne peuvent pas chanter sans « gueuler » ou toute cette légion de chanteuses anglo-américaines qui confondent chanter et « effet de fesses ». Peut être pour cacher les paroles insipides et des mélodies d’une platitude navrante à faire pleurer un bataillon de clowns

    November 19, 2012 at 23 h 44 min
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    yael

    Chers E Abbas et Abaracoussis, merci pour vos ferventes défenses d’élodie frégé, que j’apprécie également beaucoup. Le jeu des 7 erreurs est un superbe album, et oui, al jolie blonde se la joue neuneu baby doll pour la scène, et c’est donc avec sourire et tendresse que j’en ai parlé. Pas d’entreprise de démolition… promis!allez voir les articles sur frégé dans toute la culture, vous verrez que j’en dis beaucoup de bien.
    belle soirée

    November 19, 2012 at 23 h 50 min

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