Arts
Viva il <em>Banditi dell’Arte</em>!

Viva il Banditi dell’Arte!

24 March 2012 | PAR Justine Hallard

La Halle Saint Pierre, après une petite incursion du côté des arts populaires contemporains avec Hey! Modern Art et Pop Culture, retrouve son premier amour – l’art brut – avec sa nouvelle exposition Banditi dell’Arte. Et lorsque la romance autour de ces “bandits de l’art” est à l’italienne, le sublime ne peut être qu’au rendez-vous!

Alors que l’Italie commence à peine ses premiers pas dans la reconnaissance de l’art brut, la Halle Saint Pierre rend un véritable hommage à cet art « hors normes » de la botte, et ce sous l’œil bienveillant du commissaire invité Gustavo Giacosa – collaborateur de la compagnie de théâtre de Pipo Delbono depuis 20 ans, mais aussi passionné de la thématique art-folie dans les arts visuels, à laquelle il consacre aujourd’hui une grande part de son travail.

Si les artistes ici exposés sont regroupés sous cette idée de « bandits » c’est pour mieux en faire rejaillir cette caractéristique qui leur est à tous commune, celle de l’exclusion du système, celle où un jour leur folie les mena au ban de la société. Leur vagabondage n’est pas forcément celui des rues, mais bien davantage celui de leur monde intérieur, en réponse aux murs des hôpitaux psychiatriques où beaucoup furent enfermés. Mais « bandits de l’art » est aussi un joli clin d’œil pour qualifier ces artistes qui produisent, avant toute chose, en dehors de toutes références culturelles institutionnalisées.

La première partie de l’exposition présente des collections historiques psychiatriques et carcérales du musée Lombroso et du musée d’anthropologie de Turin mais aussi de l’Hôpital San Lazzaro de Reggio Emilia. Époque où le criminologue et psychiatre Cesare Lombroso étayait sa thèse sur les « criminels nés » et cherchait dans ces œuvres les preuves de démence des criminels d’une part mais aussi celles qui se retrouvaient dans les artistes « géniaux ». Triste théorie qui ne put que nuire aux artistes de l’avant-garde de la même époque… Et loin de tout aspect « criminel », c’est bien au contraire toute une poésie qui s’échappe de ces œuvres. Une percée dans l’intimité de ces artistes, un voyage dans ce qu’ils avaient de plus intime, de plus profond. Leurs moyens d’expression sont aussi nombreux que l’étaient leurs imaginaires et leurs psychoses. Graffitis et calligraphies de signes indéchiffrables gravés sur des murs d’hôpitaux (Fernado Nannetti et Federico Saraceni), sculptures de chimères hantant les cauchemars de l’enfance (Rosario), réappropriation des figures féminines (Pietro Ghizzardi), dessins zoomorphiques comme échappatoire à la montée de l’industrie (Salvatore Bentivegna et Gaetano Gambino), tissage de costumes à partir du fil de vieux bouts de chiffons (Versigno), cosmogonies d’enchevêtrements d’os aussi fabuleuses que délirantes du formidable Francesco Toris, mobiliers incroyablement réinventés et réappropriés au nom de la sainte gloire du Bon Dieu par le haut en couleurs Giovanni Podesta, ou encore les énigmatiques « bonhommes » flottants et invariablement troués du génial Carlo Zinelli.

La deuxième partie, quant à elle, offre à voir ce qu’est aujourd’hui cette production d’art brut italienne… aussi rare que passionnante, et ce grâce aux ateliers de création et d’art-thérapie nés des années 60. Ce petit saut dans le temps nous donne aussi à comprendre combien ces artistes « hors normes » s’approprient les marqueurs de leurs sociétés. L’industrialisation massive de nos biens de consommation étant passée par là, les matières – souvent premières – utilisées par les artistes du 20ème siècle sont ainsi devenues plastiques et réappropriation de nos objets du quotidien (les jouets de Franco Bellucci, les voitures de Fausto Badari, la crèche lumineuse de Mario Andreoli…). Les thèmes abordés ont aussi changé, celui du sexe, sorti des carcans de la moralité, apparaît aussi comme bien plus présent. L’influence visuelle du graphisme – à travers la publicité notamment – fait aussi son apparition (Manuela Sagona), mais aussi celle de l’art contemporain (les portes de Francesco Nardi). Et cependant, tels des universaux anthropologiques, des traits communs à l’art brut restent les mêmes : la répétition obsessionnelle de motifs à l’infini (Marco Raugei), le besoin de recouvrir les murs des visions de son propre monde intérieur (Giovanni Bosco) et toujours et encore, cette douce rêverie, comme celle de Luigi Lineri, à pouvoir compter des galets de bords de mer…

Vous l’aurez compris, faites-vous kidnapper par ces bandits de l’art le temps d’une exposition, un voyage en Italie « hors normes » à lui tout seul !

 

* En marge de l’exposition, la Halle Saint Pierre propose tout un programme à l’année de manifestations : rencontres, documentaires, ateliers…

Visuels en Une : Carlo Zinelli © Halle Saint Pierre
Dans l’article : Franco Bellucci – Assemblage – © Atelier Blu Cammello
Francesco Toris – Le nouveau monde – © Musée d’Anthropologie de Turin

Infos pratiques

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Justine Hallard

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