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Le Système Victoria d’Eric Reinhardt, l’obscure mécanique du désir

Le Système Victoria d’Eric Reinhardt, l’obscure mécanique du désir

19 September 2011 | PAR Olivia Leboyer

Après le brillant Cendrillon (Stock, 2007), sur les tribulations d’un trader, Eric Reinhardt s’interroge sur les rapports amoureux dans une société libérale où la rapidité fait loi. Un roman insolite, à la fois ample et intimiste.

Construit à la manière d’un opéra, Le Système Victoria s’ouvre par le choc, l’émerveillement d’une rencontre. David Kolski, chef de chantier, 42 ans, croise une femme majestueuse, impressionnante, et en oublie de rentrer chez lui pour fêter l’anniversaire de sa fille. Trois heures durant, il la suit, puisant en lui-même le courage d’oser l’aborder. Une fois le contact établi, l’histoire va partir sur les chapeaux de roue et s’emballer, dans une dynamique endiablée. Entre David, rêveur, idéaliste, de gauche, et Victoria de Winter, puissante DRH, décomplexée, de droite, accro à la vitesse et au pouvoir, le contraste est à la mesure de l’attirance qui les pousse l’un vers l’autre. Pour David, les instants les plus importants de sa vie demeurent ceux où il l’a rêvée ; à l’inverse, Victoria est tout entière prise dans un flux d’énergie et dans le fameux « système », qui lui permettrait de vivre plusieurs vies distinctes les unes des autres. Amants et adversaires, ils s’affrontent sans relâche, s’épuisant en un jeu de miroirs de plus en plus trouble.
Si Victoria incarne la société libérale, dans ses possibles débordements et perte de contrôle, David représente une certaine éthique, moins en prise avec un monde réel engagé dans sa course folle. Les plus beaux passages du roman sont constitués par les moments suspendus où l’on suit les monologues de David, perdu dans ses tentatives pour comprendre, in fine, le sens du désir désordonné qui l’a saisi.

Le Système Victoria, Eric Reinhardt, Stock, 2011, 528 pages, 22€50. Sortie le 17 août 2011.

« J’ai préparé pendant trois heures la première phrase que j’ai osé lui dire : Victoria n’est pas une femme qu’un inconnu peut aborder sans qu’elle se sente insultée. L’amorce serait cruciale : je n’aurais que cette seule phrase, et un unique regard, pour obtenir qu’elle me pardonne, et qu’elle s’immobilise. » (incipit)

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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