Danse
In Paris : Baryschnikov, ou l’exil au corps

In Paris : Baryschnikov, ou l’exil au corps

10 September 2011 | PAR La Rédaction

Dans le cadre des Étés de la Danse au théâtre de Chaillot, Dmitry Krymov met en scène l’immense danseur étoile Mikhaïl Baryshnikov dans une adaptation d’une nouvelle du premier Prix Nobel de Littérature russe, Ivan Bunin. Un projet original, entre théâtre, mime, vidéo, musique et… nostalgie de la danse.

?Dans un recueil de nouvelles écrites entre 1938 et 1944, Ivan Bunin s’attache à décrire la nostalgie, la fugacité du temps qui passe et la déchirure de l’exil. In Paris narre la brève rencontre de deux émigrants russes à Paris en 1930, celle d’un ancien général de l’Armée blanche russe avec une jeune femme à la voix douce. Les mots de Bunin défilent en filigrane sur le corps des acteurs, s’entremêlant aux menus artifices de la mise en scène, qui tiennent à la fois de la pantomime, du cabaret ou encore du spectacle de rue.

Avec une économie de moyen qui n’illustre que trop bien la précarité matérielle et la solitude affective de ces exilés, Krymov use de tout son talent de scénographe et de sa formation de peintre pour évoquer le Paris populaire de l’entre-deux-guerres.

En quelques saynètes oniriques, à la limite du burlesque, lorsque le général (Baryschnikov) entreprend de se raser devant un public médusé, ou quand la serveuse pleine de compassion pour son client désabusé se fait belle au son de L’Amour de Carmen, une relation ténue se noue entre les deux protagonistes. À peine aura-t-elle eu le temps d’éclore, qu’un drame banal mettra fin à l’idylle naissante.

Le temps de quelques passes de toréador, dans une danse funèbre qui prend la forme d’un pas de deux fugace avec son manteau devenu muleta, l’ancien danseur étoile laisse deviner la souplesse aguerrie de son corps vieillissant.

L’émotion tout en retenue que dégage la pièce prend alors tout son sens : qui d’autre que Baryschnikov pouvait interpréter la douleur poignante de l’exil, lui qui, passé à l’Ouest, a dansé avec les plus grands sans jamais pouvoir oublier la langue, les liens affectifs, les amis de sa terre natale ? Lui qui sait qu’il n’y retournera plus, ni mort, ni vivant ?

Débarrassé de la pression qui pèse sans relâche sur le danseur étoile, le corps de Baryschnikov évoque à lui seul le souvenir de la danse, un corps réfugié dans une âme en exil.

Géraldine Bretault

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