Danse
Lionel Begue, “La Fuite” : Quand la poésie transfigure le déclin du corps et de l’esprit

Lionel Begue, “La Fuite” : Quand la poésie transfigure le déclin du corps et de l’esprit

01 November 2019 | PAR Amina Lahmar

Pour sa première scénographie, Lionel Bègue a choisi de mettre en scène la dégénérescence et la perte de motricité. Il a présenté la dernière étape de sa création La Fuite au Bateau Feu à Dunkerque. Le danseur et interprète s’inspire du mythe de la transformation d’Actéon et de ses rencontres avec des personnes atteintes de trouble dégénératif ou de la mobilité.  Que devient l’homme quand il prend conscience d’une métamorphose qui le conduit vers une mort certaine?

Pas un mot, mais l’intensité envahit le plateau. Par ci, par là, quelques malaises qui disent beaucoup de choses sur la perte de motricité. Lionel est seul sur scène mais il l’habite profondément. Il entre sur la Nuit Transfigurée de Schoenberg. Le lyrisme de la musique nous emporte avec magie dans la fatalité du personnage. La lumière d’Annie Leuridan, couvre et éclaire le corps et ses mouvements avec subtilité. C’est comme en vrai: l’histoire d’un homme qui lutte quand son corps abandonne, et se contemple avant de perdre conscience. Quelques fois la lassitude des mouvements répétés nous berce ou nous perd. Sur la scène, il y a les prémices, la première crise, la première chute. C’est comme en vrai: il faut rester patient et attentif. Il y a le combat, et les rechutes. Les gestes poétiques se mêlent aux gestes humains, ils muent dans la répétition. Il faut attendre de se relever. L’hystérie, le gagne.  Bientôt c’est la tentative de rémission: s’observer, se reconstruire.  C’est comme en vrai: ça questionne. Et moi? Qui me dira que je serai épargnée?

“La contemplation de sa propre dégénérescence”

Le premier moteur créatif de La Fuite, était un proche de Lionel Bègue atteint d’Alzheimer. Ce moment de conscience de son état avant de sombrer, c’est ce que Lionel, adolescent, appela “la contemplation de sa propre dégénérescence.” Fasciné et terrifié, cette phase le marqua intensément. Quelques années plus tard, le chorégraphe découvre le mythe grec de la transformation d’Actéon. Alors que le chasseur s’adonnait à une battue en forêt, il aperçut Diane et des nymphes se baignant nues. Diane le remarqua et le châtia d’un sort: Actéon le prince chasseur se métamorphosera en cerf. Il se rendit près d’une source d’eau pour observer son reflet avant qu’il perde conscience. Bientôt, le chasseur sera chassé par ses propres chiens et ses propres chasseurs. Il assistera à sa propre mort. Il faudra fuir. C’est ce changement et cette contemplation du corps et de sa propre mort que Lionel Bègue met en scène dans La Fuite. Il met à nu de manière magique et touchante ce glissement de l’homme vers l’animal et de la vie vers la mort.

Dates :

Création au Neuf Neuf festival, Toulouse
7 novembre 2019 La Plateforme / Cie Samuel Mathieu

Festival Total Danse | TÉAT RÉUNION – Théâtres départementaux de La Réunion
20 novembre 2019

Le Bateau Feu – Scène nationale Dunkerque
6,7 et 8 février 2020

La Scène du Louvre, Lens
29 mars 2020

Le Ballet du Nord | Centre Chorégraphique National Roubaix, Hauts-de-France
Avril 2020

Théâtre élisabéthain, Château d’Hardelot
Date à venir

 

Visuel: Crédit / ©Simon Gosselin 

“L’heureux stratagème”, au Théâtre Edouard VII : On ne badine pas avec l’amour… propre
Compromis : un dialogue musclé et divertissant sur l’amitié avec Pierre Arditi et Michel Leeb, au Théâtre des Nouveautés
Avatar photo
Amina Lahmar

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration