Arts
Grand Palais : Deux grandes amitiés d’Aimé Césaire : Lam et Picasso

Grand Palais : Deux grandes amitiés d’Aimé Césaire : Lam et Picasso

17 March 2011 | PAR Yaël Hirsch

Alors que le 6 avril prochain, l’auteur du « Cahier du retour au pays natal » recevra l’hommage de la nation à travers la pose d’une plaque à son nom au Panthéon (voir notre article), le Grand Palais met à l’honneur deux grandes amitiés fructueuses d’Aimé Césaire avec les peintres Wilfredo Lam et Pablo Picasso. Après la superbe exposition Lam à Nantes de l’an dernier (voir notre article), cette exposition de la RMN est l’occasion de voir des dessins peu connus de l’artiste cubain, ainsi que le tableau de 1943, “La Jungle”, conservée au MOMA de New-York. cet évènement, placé sous le haut patronage du Président de la République est organisé dans le cadre de 2011, année des Outre-mer.

A travers une scénographie élégante, jouant des tonalités marrons et beiges, “Aimé Césaire, Lam, Picasso” du Grand Palais, invite le visiteur à découvrir comment deux grands peintres du 20e siècle ont illustré les mots du poète Martiniquais. Alors qu’au centre des grands piliers bruns, ressemblant à des arbres exposent sous vitrines manuscrits de Césaire et éditions originales illustrées (par Picasso et Lam, mais aussi Daniel Buren, André Masson ou Henri Guédon), 4 grands ensembles se distinguent sur les murs de cette petite exposition raffinée.

Tout commence par un voyage forcé en Martinique en 1941. En effet, L’emergency rescue Committee de Varian Fry parvient à faire sortir de France de nombreux intellectuels menacés par l’occupant nazi. Un des départs des bateaux emmenant les artistes vers le nouveau monde a lieu le 25 mars 1941. A bord, l’on trouve Wilfredo Lam, André Breton, Claude Levi-Strauss, Anna Sghers et Victor Serge. Le navire fait escale en Martinique où, fidèles à Vichy, les autorités françaises locales retiennent les passagers un mois. D’abord aux Trois-Ilets puis à Fort-de-France. C’est dans la capitale que Breton et Lam rencontrent le fondateur de la revue “Tropiques”, Aimé Césaire. De grandes ballades guidées par Césaire dans la fôret d’Absalon scelle une amitié artistique entre Lam et Césaire. “Les Carnets de Marseille” de Lam immortalisent, dès 1941, ce que Césaire lui fait voir en Martinique. malade et affaibli, en 1981, Lam demande à Césaire  d’illustrer une dizaine d’eau fortes qu’il avait produites en 1969. Le projet s’appelle “Annonciation” et est édité en 1982 en Italie. Sur d’élégants panneaux de bois, le Grand Palais réunit des extraits des poèmes de Césaire et les sublimes eaux fortes de Lam.

“Que l’on présente son cœur au soleil”

“La bête a du céder sur le sentier de ton dernier défi.
Bête aux abois
Mort traquée par la mort
De son masque déchu,, elle s’arc-boute à son mufle solaire
L’oeuf suit la piste
L’aile du tout à coup jaillit
La victoire est d’offrir à la gourde des germes
Le sexe frais du temps
Sur l’autre main mendiante de fantômes”.

Quelques huiles inspirées à Lam par sa visite de la Martinique viennent compléter ce panorama des rapports créatifs entre le peintre cubain et le poète antillais.

La rencontre de Césaire avec Picasso a lieu au Congrès pour la Paix de Wroclaw (Pologne), en 1948. Tout de suite, c’est un coup de foudre : “Je ne me suis jamais trompé sur toi. Tu es peintre. C’est pour cela que j’ai dit la première fois que nous nous sommes vus que tu me rappelais quelqu’un : moi” Picasso à Lam). Picasso illustre de 32 gravures le recueil “Corps perdu” (1950) et l’une de ces gravures, intitulée “Poète couronné” et pour lequel le fils de Césaire a posé, sert d’affiche au Premier Congrès des Écrivains et Artistes Noirs, en 1956 , congrès qui est un des moments clés du mouvement de la négritude, comme la superbe exposition du musée du Quai Branly l’an dernier l’avait montré. Une dizaine de ces gravures sont exposées au Grand Palais.

Alliant littérature et art, dans un écrin élégant, l’exposition “Aimé Césaire, Lam, Picasso”, “Nous nous sommes trouvés”, est un moment d’histoire, de calme et de volupté à ne pas se refuser.

Visuels :
Grand format : Wilfredo Lam et Aimé Césaire, 1968, Congrès Culturel, La Havane, copyright DR
1) Wilfredo Lam, Que l’on présente son cœur au soleil, 1969-1982, eau forte et quatine couleur 49×65 cm, copyright collection privée / ADAGP, Paris 2011
2) Césaire & Picasso, Corps perdu, histoire d’une rencontre, copyright HC éditions

Printemps du cinéma: profitez du cinéma à 3 euros 50 du dimanche 20 au mardi 22 mars!
Point d’Orgue à l’Etrange Cargo, une définition de l’Apocalypse
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

3 thoughts on “Grand Palais : Deux grandes amitiés d’Aimé Césaire : Lam et Picasso”

Commentaire(s)

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration