Arts
Chagall et la Bible au MAHJ

Chagall et la Bible au MAHJ

02 March 2011 | PAR Yaël Hirsch

Mardi 1ier mars, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme était débordé de visiteurs pour le vernissage de son exposition très attendue “Chagall et la Bible”. Avec sa rigueur et son génie  habituel, le MAHJ a réuni des pièces rares, venues de Grands musées et de collections particulières pour éclairer les coulisses des peintures monumentales du superbe Musée national du Message Biblique de Nice, expose l’ensemble des 105 gravures commandées par Ambroise Vollard à Chagall en 1930 pour illustrer la Bible juive, et montre comment, toute sa vie, le Pentateuque a été une des plus grandes préoccupations du peintre de Vitebsk. Une exposition magnifique à voir à l’hôtel de Saint-Agnan du 2 mars au 5 juin 2011.

“Nous copions toujours ce que nous possédons, pas ce que nous voyons. C’est notre réalité”.
Chagall à 80 ans, expliquant “Le message Biblique” à ses petits-enfants.

Après avoir illustré les Fables de La Fontaine et les Âmes mortes de Gogol pour le marchand d’art Ambroise Vollard, Chagall s’attèle à illustrer sur commande de ce dernier le Tanach (ou Pentateuque), s’engageant dans un travail d’autant plus original et habité que les peintres juifs qui sont revenus aux sources bibliques sont très rares au 20e siècle, à cause de l’assimilation, mais aussi bien sûr à cause de l’interdit juif de représentation posé par le 2 e commandement : “Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre.” (Exode 20.2-17). Ainsi dans un documentaire montré au MAHJ sur l’inauguration de l’exposition “Le Message Biblique” au Louvre en 1967, le ministre de la Culture de l’époque, André Malraux célèbre l’art de Chagall comme “la légende Dorée” que les juifs n’avaient jamais eue. “Chagall et la Bible” retrace le chemin qui mène à cette légende dorée.

Dans une première salle, l’on trouve quelques gouaches préparatoires (et en couleur) aux 105 gravures commandées par Vollard, ainsi que les 2 volumes définitifs des gravures, finalement publiés en 1956 par le successeur de Vollard (mort en 1939), Teriade. Dans la deuxième salle, les 105 gravure sont affichées, avec en dessous de chacune, la citation Biblique qui les a inspirées. Chagall a beaucoup lu la traduction en yiddish du Tanach par le poète Yehoyesh et avait décidé d’utiliser la traduction de la Bible de Genève (XVII e siècle). Le MAHJ a gardé les titres de cette traduction mais propose plutôt le texte de la Bible du Rabbinat, initiée par le Grand Rabbin Lazare Isidor (1813-1888) et dirigée par le Grand Rabbin Zadoc Kahn (1839-1905). Absolument extraordinaires, ces planches qui représentent aussi bien des scènes des prophètes (notamment Jérémie, Josué, et surtout le messianique Isaïe) que des Juges (Samson et Dalila) ou des Rois (L’Arche portée à Jérusalem) méritent que l’on s’attarde un long moment à les observer. Dans la demi-salle d’où part l’escalier vers le premier étage, les visiteurs sont initiés à l’art complexe de l’eau forte et peut observer plusieurs exemplaires de certaines gravures aux côtés des plaques de cuivres que Chagall a sculptées pour les imprimer.

L’entre-sol est dédié au voyage effectué en 1931 par le peintre vers la Palestine (sur invittaion du maire de Tel-Aviv Meir Dizengoff) et donne à voir des toiles superbes et peu connues (collections particulières) de Jérusalem par Chagall qui montrent combien ce voyage a nourri son imagination pour peindre la Bible.

Au premier étage, sous le titre “Interpréter la Bible” plusieurs grandes toiles venues de musées du monde entier  s’entremêlent qui ressemblent beaucoup à celles que  l’on peut trouver à Nice. On nous y explique pourquoi Chagall a si souvent représenté le Christ crucifié avec les mots du maître : “Pour moi, le Christ a toujours symbolisé le type même du martyre juif. C’est ainsi que je l’ai compris en 1906 quand j’ai pour la première fois utilisé cette figure.” Voilà pourquoi le Christ peut porter des phylactères dans “La Crucifixion en jaune” (1943). Et Chagall de souligner qu’il n’a jamais peint aucune scène du Nouveau Testament mais s’est concentré toute sa vie sur la Bible des juifs.

Enfin, toujours au premier étage, le MAHJ expose les cartons préparatoires réalisés par Chagall pour des vitraux. L’artiste a en effet dessiné les vitraux de l’hôpital Hadassa de Jérusalem (1960-1962) mais aussi, sur une idée du père Couturier, pour les Églises du Plateau d’Assy (1948), de Vence (1950) et de la cathédrale de Reims (1974). Chagall a également produit des vitraux pour la Fraumünster de Zürich (1969-1970) et Saint-Etienne de Mayence (1977-1984).

Autour de l’exposition, ne manquez pas :

– le lundi 28 mars, “Ma vie” de Marc Chagall, lu par Eric Elmosnino.
– le jeudi 8 avril 2011 à 18h30 “Chagall et la tradition de la représentation du céleste dans l’Art.
– le dimanche 15 mai 2011, “
Chagall et la Bible“, en présence de Gérard Garouste.
Et les activités jeune public, parmi lesquelles un jeu-concours “A vos crayons!“.

A noter : Chagall est à l’honneur dans toute la France puisque le 5 mars le Musée de Grenoble inaugure une belle exposition sur “Chagall et l’Avant-garde russe“. Plus d’infos, ici.

Crédits :
Affiche : Les Pâques, 1968, Huile sur toile de lin, Paris, Centre Pompidou, MNAM / CCI, en dépôt au Musée national Marc Chagall, Nice © ADAGP, Paris 2011 – Chagall ®
Grand angle : Abraham et les trois Anges, 1940-1950, Huile sur toile, Collection particulière © ADAGP, Paris 2011 – Chagall ®
1) Samson renverse les colonnes, 1931-1939, Planche 57, 3e état : eau forte et pointe sèche, Collection particulière © ADAGP, Paris 2011 – Chagall ®
2) La Crucifixion en jaune, 1942-1943, Huile sur toile de lin, Paris, Centre Pompidou, MNAM / CCI © ADAGP, Paris 2011 – Chagall ®

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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