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Docu : J. M. W. Turner, par Alain Jaubert

22 February 2010 | PAR Mikaël Faujour

Quand l’un des meilleurs – voire le meilleur ? – documentariste spécialisé sur l’art propose une monographie sur l’immense peintre anglais, le résultat est forcément impeccable. Un parfait complément récapitulatif (ou introductif) à l’exposition consacrée au peintre anglais, romantique par excellence et l’un des premiers maîtres de la modernité, qui aura lieu au Grand Palais à partir du 22 février.

Alain Jaubert est très connu – du moins ses films le sont sans doute plus que lui-même – pour avoir accompli la série de référence en matière de docu d’art grand public : Palettes, l’un de ces programmes qui font l’honneur du service public français de l’information. Débutée en 1988, la série Palettes a donné lieu à des documentaires d’une cinquantaine de minutes dont l’approche simple et didactique n’a jamais été synonyme de médiocrisation. C’est qu’Alain Jaubert a la simplicité des passionnés humbles, en équilibre parfait entre l’érudition de qui connaît vraiment son sujet et la simplicité des sachants moins avides de dominer par le savoir que de le transmettre dans les meilleures conditions.

Avec l’exposition que le Grand Palais consacre à « Turner et ses peintres », l’occasion était donc toute trouvée pour rééditer le documentaire qu’a consacré le réalisateur à Joseph Mallord William Turner. Les plus avertis n’apprendront sans doute pas grand-chose sur Turner, mais le caractère synthétique a valeur d’aide-mémoire – et du meilleur effet qui soit. Quant  à ceux qui n’ont de Turner qu’une vague notion, ils apprendront par ce documentaire qui il fut en tant qu’homme et quelle est son importance dans la dynamique historique de l’art – et c’est peu dire que rappeler qu’elle n’est pas mince.

Peintre capital dans l’histoire de l’art occidental, Turner est évidemment très connu pour sa technique et son rendu « inachevé » qui en font le préfigurateur immédiat de l’impressionnisme et singulièrement de Monet. Ceci dit, son influence court en fait jusques à l’abstraction lyrique d’un Zao Wou-ki notamment. C’est que Turner poussa la dissolution des formes jusqu’aux confins – voire au-delà – de la figuration. Les expositions parisiennes « Aux origines de l’abstraction » (2003-2004) et « Turner, Whistler, Monet » (2004-2005) rendaient bien compte de la place fondatrice de l’Anglais dans le développement ultérieur de l’art moderne européen.

"Le Matin après le Déluge", 1843

Auteur d’une œuvre colossalement abondante, il peignait et dessinait à tour de bras, notamment sur le motif – ce qui en fait là encore un précurseur des Pissarro, Renoir et Monet – les esquisses qu’il achèverait plus tard. Cette abondance colossale, ce souci vériste de la réalité qui habitait le peintre en ferait presque aussi, par l’abondance des dessins et aquarelles rapportées de ses voyages, un précurseur du dessin documentaire.

Mais, tout précurseur et « moderne » (bien que le mot soit anachronique le concernant), il n’est pas inintéressant de comprendre que, contrairement à l’orthodoxie tabularasiste de l’art contemporain, c’est par rapport à une grande tradition qu’entendait se situer Turner. Il connaissait et admirait les maîtres, en premier lieu desquels le grand maître qu’il s’est choisi très tôt : Claude Gellée, le Lorrain.

"Ovide banni de Rome", 1838

Peintre de la lumière, de la Nature, des forces élémentaires (la tempête, la mer déchaînée, les torrents impétueux…), Turner était bien sûr LE peintre romantique par excellence. Loin de l’esthétisme ordonné, de la notion classique de la beauté où prime l’équilibre, Turner cherchait le sublime – notion romantique par excellence, qu’expliquent très bien les intervenants du docu – dans le chaos, le trouble, le vertige. Et cette force conférait une intériorité intense à ses paysages qui légitimait nettement son ambition de faire du paysage, genre subalterne dans l’académique hiérarchie, un genre noble, à l’égal de la peinture d’histoire.

"Pluie, Vapeur et Vitesse - Le Grand Chemin de Fer de l’Ouest", 1844

L’œuvre riche et fascinant de Turner garde aujourd’hui tout son pouvoir captivant – comme souvent, d’ailleurs, les peintres profanes et a fortiori paysagistes, dépris de grammaires symboliques oubliées – et attirera très certainement foule. Ceux qui souhaiteraient une œuvre documentaire en guise d’introduction avant de visiter l’expo, ou en guise de synthèse de qualité, y trouveront leur compte.


J. M. W. Turner
, documentaire d’Alain Jaubert, Arte éditions.
Sortie : 17 mars 2010.

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Mikaël Faujour

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