Une maison de poupée entre deux teintes au théâtre de la Colline
Après Peer Gynt, Les Revenants et Brand, Stéphane Braunschweig poursuit sa confrontation avec l’œuvre d’Ibsen, en montant en miroir Rosmersholm avec Une maison de poupée.
Nora est une femme pantin entre les mains de Torvald, son mari, un tyran domestique. Démarche saccadée et voix enfantine, elle est la danseuse de la boite à musique, dont le mari s’amuse à remonter le mécanisme. Elle possède cependant un grand secret, une dette autrefois contractée, avec laquelle elle estime tenir son époux.
Il y a d’abord la belle mise en scène de Stéphane Braunschweig qui vide la maison en même temps que Nora se libère de ses carcans. Il y a cette opposition entre un mur gris immense et un loft blanc chirurgical. Il y a la danse de Nora, qui s’ouvre à la folie comme son décor.
Ensuite il y a des acteurs époustouflants, on retrouve avec plaisir Philippe Girard qui quitte son rôle du Rodrigue du Soulier de Satin pour devenir ici un médecin voyeur, Chloé Rejon en Nora attachante, Eric Caruso en mari satyre et sadique, Annie Mercier en domestique pilier de maison, Thierry Paret en homme qui se venge et Bénédicte Cerutti en amie d’enfance trouble.
Le tout est une très belle mise en scène qui pêche par sa trop grande bienveillance envers le texte. L’ensemble n’atteint pas la force de la mise en scène de Thomas Osteirmeir qui, en 2004, avait fait de maison de poupée une tragédie sanglante. Et pourtant, le choc de maison de poupée devrait résider dans l’actualité. Le droit des femmes dans les sociétés occidentales est encore plein de lacunes sur le salaire et l’accès au pouvoir. Le texte devrait également résonner aujourd’hui, dans notre monde qui est un monde d’achats, où le manque d’argent produit une immense angoisse.
Stéphane Braunschweig tente de partir de ces textes anciens pour porter un regard sur le monde d’aujourd’hui en faisant enfiler un jean basique et des baskets d’adolescente à Nora pour la situer au XXIe siècle. Cela n’a d’effet que de provoquer une inadéquation totale entre son combat et son costume. Ici, la tragédie ne surgit que trop rarement dans l’appartement blanc provoquant des moments d’ennui et d’agacement. Reste une mise en scène superbe et des moments de grâce qui valent largement de saluer le metteur en scène et ses comédiens.
Une maison de poupée, mardi 19h30, jeudi 20h30, samedi 17h, dimanche 15h30. Le samedi et le dimanche en intégrale. Au Théâtre de la Colline, 15 rue Malte Brun, 75020 Paris. Tél : 01 44 62 52 52
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8 thoughts on “Une maison de poupée entre deux teintes au théâtre de la Colline”
Commentaire(s)
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La maison brûle !
C’est très gentil de la part de Stéphane Braunschweig d’avoir permis à des amateurs de monter sur la scène de la Colline ! C’est nettement moins gentil de nous avoir convié à venir voir ça ! Car à part deux enfants de neuf ans et – soyons juste – Chloé Rejon, j’ai peine à croire qu’il ait engagé pour ce spectacle une équipe de professionnels. Envisage-t-il d’offrir à son équipe une initiation au théâtre pour Nöel ?
Ou alors je suis passé à côté ? Je me suis retenu de huer (parce qu’on ne hue plus dans les théâtre), alors que j’aurai dû crier au génie. Bénédicte Cerutti, particulièrement, a révolutionné devant moi le jeu de l’acteur et je ne m’en suis pas rendu compte. A partir d’aujourd’hui, il sera donc de bon ton de jouer faux.
Mouais, pas sûr que je m’y fasse, mince alors ce soir je suis devenu réac.
Bon, je ne m’attarde pas sur la reflexion de Braunschweig et les partis pris de mise en scène, ni sur la force et la beauté du texte d’Ibsen, ça ne sert à rien : les comédiens sont mauvais, ça gâche un peu tout.